Il est de bon ton de se moquer de Bruno Lemaire qui avait affirmé, en mars 2022, peu de temps après l'agression russe en Ukraine, « Nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe ».
Qu'y a-t-il d'étonnant à ce qu'un Jacques Sapir, dans Valeurs Actuelles, déclare « L'erreur de Bruno Le Maire restera dans les annales » ?
Qu'y a-t-il de surprenant à ce qu'un clown comme Olivier Delamarche twitte « La seule véritable sanction qui pourrait provoquer l’effondrement de l’économie russe serait de t’envoyer comme ministre de l’économie là-bas » ?
En fait Bruno Lemaire a eu parfaitement raison, l'économie russe est en train de s'effondrer, mais il aurait dû être plus précis et ajouter que cela prendrait « un certain temps ».
On ne peut en effet que constater que jusqu'à présent la Russie arrive à tenir le coup, mais à quel prix !
Certes son PIB se porte plutôt bien, en apparence, puisque son taux de croissance aurait été de 2,2% en 2023, mais après une chute de -2,1% en 2022 !
Russie : taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) réel de 2014 à 2023, avec des estimations jusqu'en 2028 (source Statista) |
Ce PIB aurait même progressé de 4,9% au deuxième trimestre 2023 sur un an d'après les Echos.
Il faut cependant rajouter que la Russie est entrée en économie de guerre, ce qui signifie que l'essentiel de sa production est destiné à partir en fumée dans le conflit avec l'Ukraine. Les Russes, eux, devront attendre, encore une fois « un certain temps », avant de cueillir les fruits d'un arbre en plutôt mauvais état.
Alors on peut gober le narratif du Kremlin, en écoutant par exemple en boucle un Xavier Moreau qui vous affirme sérieusement que la Russie a déjà gagné la guerre et que bien entendu son économie se porte comme un charme, mais on peut aussi essayer d'entendre un autre discours avec des arguments bien étayés, comme par exemple dans l'article On Russia Sanctions, European Populists Parrot the Kremlin's False Claims, chez foreignpolicy.com dont je vous offre la traduction.
Evidemment il va sans dire que les sanctions ne peuvent marcher que si elles sont maintenues autant de temps que nécessaire, c'est-à-dire jusqu'à la défaite pure et simple non pas de la Russie mais du régime mis en place par Vladimir Poutine. C'est pour cela qu'une élection de Donald Trump en novembre prochain pourrait éventuellement ficher tout en l'air...
L'Histoire jugera, et elle risque de ne pas être tendre envers ceux qui auraient permis au boucher du Kremlin de se sortir du mauvais pas dans lequel il s'est lui-même fourré.
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Les affirmations selon lesquelles les sanctions nuisent davantage à l'Europe qu'à la Russie sont erronées
Le Kremlin et ses amis occidentaux colportent un faux récit.
La dirigeante française d'extrême droite Marine Le Pen rencontre le président russe Vladimir Poutine au Kremlin, à Moscou, le 24 mars 2017. MIKHAIL KLIMENTYEV/SPUTNIK/AFP VIA GETTY IMAGES |
11 MARS 2024, 14H08
Au fur et à mesure que l'application des sanctions s'intensifie, l'idée que les sanctions sont inutiles perd de sa crédibilité. Depuis octobre, les États-Unis ont imposé des sanctions à 27 pétroliers qui transportaient du pétrole russe en contournant le plafond des prix du pétrole fixé par le G7 et l'UE, une mesure qui interdit à toute entreprise basée dans l'un ou l'autre bloc de faire des affaires avec ces pétroliers. Cela met en évidence un changement radical dans l'interprétation des sanctions occidentales. Jusqu'à récemment, le plafonnement des prix ne s'appliquait que lorsqu'une compagnie maritime ou d'assurance basée dans le G7 ou l'UE était impliquée dans le transport du pétrole russe. Washington interprète désormais le lien avec les compagnies occidentales de manière beaucoup plus large.
Agathe Demarais est chroniqueuse à Foreign Policy, chargée de mission sur la géoéconomie au Conseil européen des relations extérieures et auteur de Backfire : How Sanctions Reshape the World Against U.S. Interests. Twitter : @AgatheDemarais
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