mardi 30 mai 2017

Les deux erreurs de Mélenchon

Nous sommes en pleine campagne législatives et tous les coups sont permis, bref, rien de bien nouveau en somme.

Ainsi nous assistons à une passe d'armes entre Mélenchon et Cazeneuve concernant des propos tenus par le premier à l'encontre du second :
  • Jean-Luc Mélenchon [...] avait qualifié Bernard Cazeneuve de « gars qui s’est occupé de l’assassinat de Rémi Fraisse », militant écologiste tué par une grenade lancée par un gendarme lors d’une manifestation contre le projet de barrage à Sivens (Tarn), en 2014.
Evidemment ces propos étaient excessifs, un assassinat étant un meurtre avec préméditation ; la mort de Rémi Fraisse était purement accidentelle, cependant elle a été provoquée par un état de fait dont le ministre de l'Intérieur de l'époque, Bernard Cazeneuve, porte une part de responsabilité, sauf à dire qu'il a été « dépassé par les événements », ce qui au demeurant est fort possible mais guère flatteur pour lui.

Quoi qu'il en soit Mélenchon a dérapé et il aurait mieux fait de se taire ou de tourner l'affaire autrement, ce dont il était capable étant donné ses talents d'orateur et sa maîtrise de la langue française.

Cela a été sa seconde erreur commise après le premier tour de la Présidentielle, et il s'agit d'ailleurs plus d'une faute que d'une erreur, mais ne chipotons pas sur les mots.

Cette erreur fut d'après moi le résultat, plus ou moins indirect, d'une première erreur, celle-ci purement tactique, commise juste après le premier tour donc, qui a consisté à ne pas appeler franchement à voter pour Macron afin de faire barrage à Marine Le Pen.

Sur le fond j'étais d'accord avec lui, car je suis capable de savoir pour qui ne pas voter et je n'ai pas besoin qu'on me prenne par la main pour prendre ce genre de décision, cependant beaucoup de gens avaient apparemment besoin qu'on le leur dise en paroles et pas seulement en pensées, ils s'attendaient par conséquent à ce que Mélenchon leur dise « votez pour Macron pour que Le Pen fasse le score le plus bas possible ! »

En fait cela ne mangeait pas de pain que Mélenchon se positionne de cette façon, il aurait pu ajouter « votez Macron mais ne soyez pas dupes, il y a les législatives et là il faudra voter non pas par défaut mais pour ce à quoi vous croyez », et tout le monde aurait compris que Macron serait élu par une minorité de français pour contrer Le Pen parce qu'il n'y avait pas d'autre choix possible, mais qu'avec les législatives il y avait la possibilité de se rattraper

Au lieu de cela Mélenchon s'est enfermé tout seul, comme un grand, dans une attitude intenable que tous ses adversaires, y compris bien entendu Bernard Cazeneuve, se sont fait un plaisir de démolir sur le mode « ne pas appeler à voter Macron serait une "impardonnable faute morale" ».

La faute morale n'était évidemment pas de ne pas appeler à voter Macron, c'était de qualifier Cazeneuve d'assassin, ce à quoi Cazeneuve a largement contribué, peut-être à l'insu de son plein gré !



samedi 27 mai 2017

L'homme et (est ?) le singe

Certaines personnes ont du mal à accepter la réalité et sont persuadées avoir raison malgré tous les arguments qu'on peut leur apporter ; c'est le cas de Robert dont le dernier commentaire, concernant mon précédent billet, est le suivant :
  • Il y a longtemps que j'ai posé cette question à Picq ce dernier est très clair, que cela vous plaise ou non nous SOMMES des singes donc des animaux. Il va même plus loin en disant que les chimpanzés sont au titre de l'évolution nos frères.

    Votre attitude me fait penser à celle des climatosceptiques qui refusent de voir a réalité en face parce que ça ne les arrange pas.

    Robert
Personnellement cela ne m'arrange ni ne me dérange de ne pas me considérer comme un singe, tout simplement parce que je n'en suis pas un, et je vais le prouver.

J'avais déjà dit à Robert (mais il ne m'écoute pas quand je parle) :
  • [...] l'homme a la particularité de pouvoir nommer les choses et quand on évoque les singes chacun sait qu'on ne parle pas de l'homme mais des autres primates simiens.
C'est quelque chose qui apparemment lui échappe : c'est l'Homme (avec un grand H) qui crée les définitions de mots, pas les chimpanzés ou les bonobos, ou Pascal Picq ou Robert, ces derniers n'étant que des hommes (avec un petit h) tout comme moi et n'étant pas habilités à changer la définition d'un mot parce que nous en aurions simplement envie.

Voyons d'abord ce que disent certaines personnes bien placées sur le plan scientifique, donc à égalité avec Pascal Picq.

Commençons à frapper fort afin de réveiller les esprits et montrer immédiatement que Pascal Picq  a au moins un confrère de renommée mondiale qui n'est pas du tout, mais alors pas du tout d'accord avec lui, j'ai nommé Yves Coppens qui, dans son ouvrage Pré-ludes autour de l'homme préhistorique, a écrit (à partir de maintenant ce qui est écrit en bleu italique à la suite des extraits choisis, ce sont mes commentaires) :

  • Page 50 : L'ancêtre commun des grands singes et des hommes [...] (déjà on voit que Coppens fait la distinction entre les grands singes et les hommes, mais ce n'est pas fini, accrochez vos ceintures, ça va décoiffer...)
  • Page 53 : Ces grands cousins (i.e. les chimpanzés, les bonobos, les gorilles) n'étant véritablement observés dans leur milieu que depuis un petit demi-siècle (le livre de Coppens date de fin 2014), l'étonnement ne cesse de grandir face à ce que l'on découvre et porte naturellement à l'exagération (attention c'est pour bientôt), comme lorsqu'on déclare : « Le singe est un homme » ou « L'homme est un singe », deux propositions tout aussi abusives l'une que l'autre. (je vous avais prévenus !)
  • Page 55 : Alors où est l'homme ? Il est là [...] bien assis dans sa dignité que caractérisent à la fois sa liberté et sa responsabilité. (les choses commencent à se préciser, mais pas sûr que tout le monde comprenne bien...)
  • Page 55 suite : Ma grand-mère me disait : « Si toi tu descends du singe, moi pas ! » (c'est d'ailleurs un peu ce que j'ai envie de dire à Robert...) Mais si Grand-mère, toi aussi, et le chimpanzé auquel tu pensais est bien de ta famille ! Mais ta dignité d'humaine pensante est sauve puisque, à partir d'un même potentiel nerveux, en un même laps de temps, les singes et nous avons accompli des destins bien séparés. (ne disais-je pas à Robert en commentaire de mon précédent billet que « Les chimpanzés et les gorilles sont donc nos lointains cousins, et si nous sommes classés taxonomiquement parmi (ou avec) les singes il est évident que nous avons évolué bien davantage qu'eux », mais il est vrai que j'ai lu Coppens, pas Picq)


Ensuite nous avons Véronique Barriel, phylogénéticienne, Maître de Conférences au Muséum National d’Histoire Naturelle, qui nous explique, ou plutôt qui tente de nous expliquer les différences entre Hominoïdes, Hominidés, Homininés et les autres... et qui commence fort, avec franchise :
  • [...] je ne sais pas ce qu’est un Hominidé ! (peut-être que Robert pourrait lui expliquer...?)
  • L’homme est un eucaryote, un vertébré, un tétrapode, un amniote, un mammifère, un primate, un hominoïde, un hominidé, un homininé : ces caractères sont apparus successivement à différentes périodes de l’histoire de la vie. (ah ben mince alors, nulle part il est dit que l'homme serait un singe, c'est bizarre quand même...)
  • L’homme partage un ancêtre commun récent avec le Chimpanzé et le Gorille. Cet ancêtre commun n’est ni un Chimpanzé (ou un Gorille) ni un homme. (sur ce point on peut éventuellement donner raison à Robert qui cite Picq « les chimpanzés sont au titre de l'évolution nos frères », mais nous pouvons tout aussi bien être cousins, je pose mon joker)
  • Pour le clade homme-grands singes (encore la distinction homme-grands singes...), ils ont choisi comme point de départ le niveau de la superfamille (noeud 11), seul niveau presque consensuel dans la communauté scientifique, soit Hominoidea (suffixe latinisé) ou Hominoïdes (suffixe francisé). (aucun singe n'est mentionné ici, normal, nous sommes sur le plan scientifique...)


Pascal Picq a choisi de dire que « l'homme est un singe », mais d'après ce que je vois il aurait à la rigueur été préférable (bien que tout aussi critiquable)  qu'il dise que tous les singes sont des hommes, puisque nous sommes tous des Hominoïdes !


Enfin Cyril Langlois, professeur à l'ENS de Lyon, nous donne des détails intéressants dans un article intitulé Hominidés, homininés et hominines :
  • Voici ce que l'on trouve sur le site du CNRS, dans le lexique du dossier consacré à l'hominisation. Il rejoint la classification de Lecointre et Le Guyader ou de M.J. Benton.
    • Hominidé  : famille des Hominidae qui englobe toutes les formes humaines présentes et passées ainsi que de façon générale, les grands singes actuels et leurs ancêtres.
    • Hominoïde  : famille des Hominoidea comprenant les hommes, les grands singes et les gibbons actuels ainsi que leurs ancêtres. (lui aussi distingue les hommes des singes, grands ou petits) 
  •  Dans la littérature, y compris dans de très récents articles de Nature, des fossiles, pourtant rapprochés de la lignée humaine par leur découvreurs, sont toujours désignés par hominids . Souvent, c'est en fait par prudence : comme on n'est pas sûr qu'ils soient plus proches de l'Homme que d'un Singe, on passe directement de la Famille (Hominidés) au Genre. (est-ce nécessaire d'insister...?)

Pour compléter ce bref tour d'horizon scientifique, terminons par wikipedia et l'Histoire évolutive des homininés :

On pourra aisément constater qu'à aucun moment on ne parle de « singes » quand on se place au niveau strictement scientifique ; nous avons affaire à des Hominidés, des Ponginae, des Gorillini, des Hylobates, etc. mais jamais ni le mot « singe » ni le mot « homme » ne sont utilisés, sauf pour tenter d'expliquer (maladroitement...?) qui est qui, mais dans ce cas on se rend compte que c'est pour différencier l'homme des singes ou des grands singes, comme par exemple dans les passages suivants :
  • Pour le clade homme-grands singes
  • famille des Hominidae qui englobe toutes les formes humaines présentes et passées ainsi que de façon générale, les grands singes actuels et leurs ancêtres
  • comme on n'est pas sûr qu'ils soient plus proches de l'Homme que d'un Singe
  • classer la lignée humaine et les genres non-éteints de singes 

Et pour cause, le mot « singe » n'est pas de nature scientifique, il est utilisé dans le langage dit courant, compréhensible par le commun des mortels.

Et alors dans ce cas, pour savoir ce que le mot « singe » signifie, pas besoin de consulter un livre compliqué écrit par Pascal Picq ou un autre paléoanthropologue, il suffit de consulter un dictionnaire, et c'est ce que je vous propose de faire immédiatement.


Définitions du singe

  • larousse
    • Mammifère primate arboricole, fortement encéphalisé, à face souvent glabre. (Les singes constituent le sous-ordre des simiens.) (notez la précision, arboricole, mais il est vrai que certains humains aiment passer leur temps dans les arbres...)
    • Familier. Personne au faciès grimaçant, simiesque.
    • Personne qui contrefait, imite quelqu'un : Le singe de son maître.
    • Populaire. Dans une entreprise, le chef, le directeur, le patron.
    • Populaire et vieux. Conserve de bœuf en boîte.
  • reverso
    • 1    (zoologie)   mammifère primate anthropoïde (plus bas nous verrons les définitions de ce mot) aux mains et aux pieds préhensibles (sic) (arboricoles) les singes forment le sous-ordre des simiens  
      2    individu mâle par opposition à la guenon  
      3    familier   personne particulièrement laide  
      4    personne qui imite les autres  
      5    argot   patron  
      6    corned-beef
       
  • cnrtl
    • A. − ZOOL., gén. au plur.
      1. [N. générique désignant l'ensemble des mammifères primates anthropoïdes, quadrupèdes ou bipèdes, comprenant notamment les Platyr(r)hiniens et les Catar(r)hiniens] Synon. simiens.Les rapports étroits qu'il [Linné] observe du point de vue de leur morphologie entre les singes anthropoïdes et l'homme, sont nettement mis en évidence (Hist. sc., 1957, p. 1356).V. platyr(r)hiniens, s.v. platy- ex. de Teilhard de Chardin. (déjà Linné faisait la distinction)
      2. Spécialement
      a) Singes (de l'Ancien Monde). Singes catar(r)hiniens cynocéphales quadrupèdes possédant pour la plupart de longues canines et comprenant, parmi les espèces les plus connues: les babouins, les colobes, les macaques, les singes Rhésus et plus généralement les singes à longue queue. Je me permettrai, pour les singes, de vous rappeler, monsieur, que les Cynocéphales étaient, en Égypte, consacrés à la lune, comme on le voit encore sur les murailles des temples (Flaub.,Corresp., 1863, p. 82).
      Singes de Brazza. [La monogamie] existe (...) chez certains Cercopithèques d'Afrique comme le Singe de Brazza (Zool., t. 4, 1974, p. 980 [Encyclop. de la Pléiade]).
      Singes supérieurs ou grands singes. Grands singes généralement sans queue, de la famille du Pongo, présentant de grandes ressemblances avec l'homme (ah ah, ils ressemblent à l'homme...), se déplaçant selon la locomotion brachiale (gibbon, orang-outang) ou verticale en s'appuyant sur l'articulation des phalanges (gorille, chimpanzé). Du côté catarhinien, les Anthropoïdes (gorille, chimpanzé, orang, gibbon), singes sans queue, les plus grands et les plus éveillés des singes, que tous nous connaissons bien (Teilhard de Ch.,Phénom. hum., 1955, p. 171).
      b) Singes du Nouveau Monde. Groupe de Singes platyr(r)hiniens de l'ordre des Primates, sauteurs ou grimpeurs, généralement à longue queue préhensile, comprenant les ouistitis, tamarins et sagouins et les Cébidés (Alouate, Atèle, Sajou, Saki...). Le crâne de tous les singes du Nouveau Monde est court et arrondi, avec une petite face et une grande boîte crânienne. Le Hurleur est le seul à s'écarter quelque peu de ce type (Tous les animaux du monde, Paris, UNIDE, t.16,1982,p. 1508).
      Singe-araignée ou voltigeur. Singe noir possédant de longs membres recouverts de poils et une grande queue à extrémité nue. Synon. atèle.Largement répandus dans l'Amérique méridionale, les Singes-Araignées comprennent les espèces suivantes: l'Atèle noir (...) l'Atèle variegatus (...) l'Atèle Araignée (...) le Lagotriche de Humboldt (Encyclop. Sc. Techn.t. 91973, p. 139).
      Singe-écureuil. Synon. de saïmiri.Les Cebinae comprennent les Sajous ou Capucins (Cebus) et les Singes-écureuils (Saïmiri) tous diurnes et grimpeurs (Zool., t. 4, 1974, p. 970 [Encyclop. de la Pléiade]).
      Singe laineux. Synon. de lagotriche.Les singes laineux, de stature robuste, présentent un ventre arrondi et proéminent. La peau est noire de jais et la fourrure, douce et laineuse, est très serrée (Tous les animaux du monde, Paris, UNIDE, t.16,1982,p. 1513).
      c) [Dans une perspective évolutionniste] Souvent au plur. Ancêtre des espèces actuelles de singes; primate intermédiaire entre le Singe et l'Homme (australopithèque, pithécanthrope, sinanthrope, préhominiens). On a trouvé deux grandes versions de l'origine de l'homme. Les uns disent « le péché originel »; les autres que nous descendons des grands singes. Choisissez et battez-vous là-dessus (Barrès,Cahiers, t. 4, 1905, p. 54).V. homme ex. 12:
      1. Il y a un million d'années environ, on trouve parmi les « singes » (notez le mot « singes » entre guillemets, car il se réfère à nos ancêtres humains...) de l'Afrique du Sud des formes singulières, les Australopithèques, qui ont des caractères hominiens. Beaucoup de savants éminents les comptent parmi nos ancêtres directs. Un peu plus tard, nous voyons le Sinanthrope de Chine, le Pithécanthrope de Java... Furonds R. gén. sc., t. 63, 1956, p. 47.
      Singe-homme (ou homme-singe). Considérant que le fossé entre les singes anthropoïdes et l'homme était trop considérable, Haeckel avait supposé qu'il devait y avoir eu entre eux au moins un être intermédiaire, ayant servi de trait d'union. Il donna le nom de Pithécanthrope [singe-homme] à cet être purement théorique (Hist. sc., 1957, p. 1420).Eugène Dubois, qui partit aux Indes néerlandaises avec l'intention bien arrêtée d'y rechercher l'« homme-singe » hypothétique (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 562). (et dire que le seul « homme-singe » était seulement « théorique »...)
      L'homme descend du singe. [Aphorisme dicté par une interprétation étroite des théories évolutionnistes] On répète souvent que l'homme descend du singe. Cette assertion n'a pas de sens précis. L'homme ne peut descendre de l'un des singes qui vivent aujourd'hui sur la terre (J. Rostand,La Vie et ses probl., 1939, p. 185).V. descendre I B 1 c ex. de Flaubert.
      d) Faux singe. [N. donné quelquefois à des primates tels que les Lémuriens, les Loris et les Tarsiers (d'apr. Littré)] (si l'homme est un singe, alors pourquoi ne pas inclure les lémuriens, les loris et les tarsiers...? On peut aller loin comme ça...)
      e) Espèce particulière de singe:
      2. ... j'ai l'habitude de lui réciter, comme les héros de Rabelais, une longue litanie simiesque composée à grands coups de dictionnaire d'histoire naturelle. Tous les singes y défilent, depuis le sapajou jusqu'au cercopithèque qu'il ne faut point confondre avec le simple pithèque, en passant par le ouistiti, le chimpanzé, le macaque et tutti quanti. Mallarmé,Corresp., 1871, p. 43.
      [En Afrique Noire] Singe noir. Singe à pelage noir, vivant en zone forestière (d'apr. Invent. Particul. lex. Fr. Afr. n. 1983). Singe rouge. Singe à poils roux, de la famille du cercopithèque (d'apr. Invent. Particul. lex. Fr. Afr. n. 1983). Singe vert. Cercopithèque à très longue queue et au pelage gris vert, vivant en bandes près des villages (d'apr. Invent. Particul. lex. Fr. Afr. n. 1983). V. colobe2ex. de Morand.
    •  B. − Lang. cour.
      1. Mammifère primate (mâle ou femelle) à face nue, généralement arboricole, de taille variable selon les espèces, caractérisé par un cerveau développé, de longs membres terminés par des doigts et qui, par ses mimiques et ses attitudes, rappelle l'espèce humaine. Une bande, une troupe de singes; grand, gros singe; un jeune, un vieux, un pauvre singe; singe d'Amérique, d'Asie; singe enchaîné; singe savant. Une bande de très petits singes qui font de l'acrobatie dans les branches des plus hauts arbres, et que dénoncent leurs cris aigus (Gide,Retour Tchad, 1928, p. 998).V. babouin ex. 1.
      En partic. Mâle de l'espèce (p. oppos. à guenon). Elle [la guenon] jette la noix. Un singe la ramasse, Vîte entre deux cailloux la casse, L'épluche, la mange, et lui dit: Votre mere eut raison, ma mie: Les noix ont fort bon goût, mais il faut les ouvrir. Souvenez-vous que, dans la vie, Sans un peu de travail on n'a point de plaisir (Florian,Fables, 1792, p. 161).
      Rare. [En appos. avec une valeur de coll.] Il ne faisait ni frais ni lourd. Au long de la Bamba et de la Pombo, le peuple singe s'amusait (Maran,Batouala, 1921, p. 52).
      2. Expr., loc. ou compar.
      a) [fondées sur le physique ou le faciès du singe] Être laid comme un singe; faire des grimaces de singe. On voyait en ce moment par sa chemise entr'ouverte, ses bras de singe assez longs pour qu'il pût nouer ses jarretières sans presque se baisser (Gautier,Fracasse, 1863, p. 307).Sa tête cernée, ses cheveux poisseux, ses jambes de singe étique, tout cela dansait, convulsif, au bout du balai (Céline,Voyage, 1932, p. 303).
      b) [fondées sur les habitudes de vie, les qualités ou les défauts habituellement prêtés au singe] (Avoir) une agilité, une lubricité de singe, un rire de singe; (être) malin comme un singe. Il gambillait, d'une adresse de singe à se rattraper des mains, des pieds, du menton, quand les échelons manquaient (Zola,Germinal, 1885, p. 1367):
      3. Quant à Rodolphe, il était d'une malice de singe; il profitait toujours de ce que Christophe avait Ernst sur les bras, pour faire derrière son dos toutes les sottises possibles; il cassait les jouets, renversait l'eau, salissait sa robe, et faisait tomber les plats, en fouillant dans le placard. Rolland,J.-Chr., Aube, 1904, p. 32.
      c) Faire le singe. Faire des grimaces, des pitreries dignes d'un singe. Il fait le singe en classe. P. ext. S'exhiber de manière grotesque. Elle danserait très bien, si elle voulait! − Justement, je ne veux pas, dit-elle. Faire le singe au milieu d'une piste, ça ne m'amuse pas (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 348).
    •  II. − P. anal. A. −
      1. Personne laide, dont les particularités physiques évoquent celles du singe. Comment pouvait-elle s'attacher à un pareil singe? Car, enfin, Fontan était un vrai singe, avec son grand nez toujours en branle. Une sale tête! (Zola,Nana, 1880, p. 1307).Ce grand singe couvert de poils, qui a du ventre à vingt ans et qui transpire? Tu t'imagines qu'en sortant des bras de ce quadrumane tu viendras ici comme tu le fais en ce moment fumer une cigarette et m'assommer avec tes petites histoires (Mauriac,Feu sur terre, 1951ii, 1, p. 63).
      2. Personne rusée. Prenez garde à vous, c'est un malin singe et un vaurien fini. Son plus grand plaisir est de mettre dedans tous ceux qui ont affaire à lui (Balzac, Œuvres div., t. 2, 1832, p. 495).
      3. Pitre, farceur. C'est un vrai singe; quel singe! Empl. adj. Il y avait Anna (2 ans et demi) (...) qui est la plus « singe » de toutes. On ne peut pas la regarder sans rire et sitôt qu'on la regarde elle rit jusqu'aux deux oreilles (Alain-Fournier,Corresp.[avec Rivière], 1909, p. 177).

 Définitions d'anthropoïde

  • larousse
    • Singe anthropomorphe, tel que le chimpanzé ou le gibbon. (eh oui, il y a des singes qui ressemblent à l'homme !)
    • Grue d'Afrique du Sud et de Numidie, appelée aussi demoiselle.
  • reverso
    • adj inv  
            (paléontologie)   relatif à l'échelon de l'évolution précédant les hommes, aux singes supérieurs  
       n inv  
           (paléontologie)   singe supérieur proche de l'homme (ça ne s'arrange pas, l'homme n'est toujours pas considéré comme un singe, et ce sont plutôt les singes que l'on compare à l'homme, pas l'inverse...) 
          anthropomorphe 
  •  cnrtl
    • Adj., ZOOL. [En parlant du singe] Qui ressemble à l'homme :
      1. Elle s'étendit tout du long, sur le ventre, les coudes appuyés sur le sol et la tête entre les mains, les yeux fixés dans le gazon. Il lut : « Sans doute les singes anthropoïdes sont, de tous les animaux, ceux qui se rapprochent le plus de l'homme par leur structure anatomique ... » Maupassant, Contes et Nouvelles,t. 2, Yvette, 1884, p. 512.
      Rem. 1reattest. en ce sens ds Littré-Robin 1865.
      II.− Subst. (surtout masc. plur.).
      A.− ORNITH. ,,Genre d'oiseaux de la famille des ardéidés, sous-ordre des hérodiens, ordre des échassiers, qui ne contient que deux espèces : la demoiselle de Numidie et l'oiseau royal ou grue couronnée`` (Lar. 19e); et présentant quelque analogie de forme ou de comportement avec les humains.
      B.− PALÉONT. Fossiles ou pétrifications attribués à l'espèce humaine. Synon. anthropolithe.
      Rem. Se rencontre aussi avec le genre féminin.
      C.− ZOOL. Anthropoïdes, anthropoïdés ou mieux anthropomorphes.
      1. Singes supérieurs, dont les caractères anatomiques se rapprochent le plus de ceux de l'homme :
      2. Du côté lémurien, les tarsidés, minuscules animaux sauteurs, au crâne rond et gonflé, aux yeux immenses, dont le seul survivant actuel, le tarsier de Malaisie, fait bizarrement songer à un petit homme. Du côté catarhinien, les anthropoïdes (gorille, chimpanzé, orang, gibbon), singes sans queue, les plus grands et les plus éveillés des singes, que tous nous connaissons bien. Teilhard de Chardin, Le Phénomène humain,1955, p. 171.
      P. compar. Pour désigner une pers. :
      3. Dans la chevelure d'une dame assise devant moi, j'ai vu une tête de cauchemar, l'œil et la lèvre indiqués par des boucles, le menton fuyant, les cheveux longs et soigneusement peignés sur un crâne d'anthropoïde que coiffait un chapeau de clown, un vrai chapeau, celui de la dame. Green, Journal,1940, p. 32.
      2. ,,Sous-ordre des mammifères comprenant l'ensemble des singes et l'homme.`` (Méd. Biol. t. 1 1970).

J'aurais pu m'arrêter là car le billet est déjà long, mais j'ai été glaner quelques autres informations que voici.

Sur le site de l'Union Internationale pour la conservation de la nature et des ressources naturelles (UICN), cet article intitulé Quatre grands singes sur six sont à un pas de l’extinction, selon la Liste rouge de l’UICN dont voici quelques extraits :

  • Quatre espèces de grands singes sur six sont maintenant En danger critique d’extinction – donc à un pas de la disparition – et une forte menace d’extinction pèse également sur les deux autres espèces. (non, les hommes ne sont pas concernés, bien qu'on puisse se poser des questions sur leur survie à long terme...)
Sur un site dédié aux grands singes, cet article qui va ajouter au trouble de Robert, Les grands singes non humains, donc ce qui voudrait dire qu'il y aurait des grands singes humains...mais le narratif n'est pas vraiment très clair, par exemple :
  • Comme le grand singe, nous appartenons à la famille des Hominidés. (i.e. comme le grand singe, nous les hommes etc., donc nous ne sommes pas un grand singe...)
Et tout de suite après :
  • Les grands singes anthropomorphes, c'est à dire ceux dont la forme rappelle celle de l'homme (ainsi les grands singes non humains ont une forme qui rappelle celle de l'homme, est-ce plus clair maintenant...?), se regroupent en 13 espèces :
    Les gibbons (9 espèces)
    Les chimpanzés
    Les bonobos
    Les gorilles
    Les orang-outan
Et pour compléter le tableau et achever de semer la confusion :
  • Ils n'ont pas de queue, peuvent être bipèdes et ont des capacités intellectuelles élevées. Les grands singes nous démontrent des capacités ou notions que l'on croyait être le propre de l'Homme (ah, les grands singes ont des capacités qui sont celles des hommes, par conséquent ce ne sont pas des hommes, ils nous ressemblent, mais nous ne sommes pas plus des singes, puisqu'on compare les grands singes à l'Homme...), ainsi on parle de culture, d'apprentissage, de fabrication et utilisation d'outils, de conscience de soi...
    Ils sont en effet nos plus proches cousins notamment les bonobos avec qui nous partageons 99.4% de notre code génétique. (alors là ils sont nos cousins, moi qui croyais que c'étaient nos frères...)

Et pour en finir, parce qu'il faut bien en finir un jour, le site du Muséum National d'Histoire Naturelle qui présentait l'exposition  Sur la piste des Grands Singes qui s'est tenue du 22 février 2015 au 21 mars 2016, soit il y a à peine un à deux ans, et sur lequel on peut visionner la vidéo suivante sur Dailymotion, avec ces extraits :

  • Guidés par les scientifiques, qui partagent leur travail sur le terrain, les visiteurs découvrent la vie des grands singes au sein de la forêt tropicale mais aussi les graves menaces qui pèsent aujourd’hui sur eux. Dégradation de l’habitat, chasse, trafic, maladies… tous sont en danger d’extinction mais il est possible et urgent d’agir. 
  • L’exposition comprend cinq parties :
  • Les trois premières présentent les six espèces de grands singes sous l’angle de leurs caractéristiques morphologiques, de leur évolution et de l’histoire des sciences. La quatrième partie, le cœur de l’exposition, immerge le public dans une forêt fictive où il découvre le quotidien des grands singes dans leur environnement : vivre en groupe, se déplacer dans les arbres ou au sol, construire un nid pour se reposer, communiquer, utiliser des outils pour trouver sa nourriture… La cinquième partie illustre les menaces qui pèsent sur eux et propose des pistes d’actions à mener pour participer à leur sauvegarde.
  • Aujourd’hui, tous les grands singes sont menacés (il est évident qu'il n'est pas question ici de l'homme...). Pour agir au plus vite et les sauver d’une extinction dans un futur proche, l’exposition fait le point sur les menaces qui pèsent sur eux et plus largement sur leur habitat, la forêt tropicale.
  • Des objets ethnologiques et historiques sortent exceptionnellement des réserves du Muséum pour illustrer les rapports que les hommes entretiennent avec les grands singes et la forêt. (cela se passe de commentaire, non ?)

On pourra bien sûr trouver des articles dans lesquels l'homme est considéré comme étant un singe lui-même, mais tout ce que cela prouve c'est qu'il y a une extrême confusion dans tout ce qu'on peut lire, y compris chez des scientifiques (comme Pascal Picq, mais il n'est pas le seul) et encore plus chez des non-scientifiques qui pensent avoir compris que... et qui tentent désespérément de simplifier la compréhension des choses et n'arrivent en fait qu'à embrouiller un peu plus un sujet complexe et toujours pas stabilisé.

Pour résumer nous sommes, nous les hommes, des Hominoïdes, comme les gibbons, des Hominidés, comme les orang-outans, des Homininés, comme les gorilles, des Hominini, comme les chimpanzés, mais comme tous ces singes ne sont pas des hommes nous ne sommes pas plus des singes nous-mêmes.

Et si quelqu'un vient me traiter de singe je lui montre les dents :


Et qu'on ne vienne pas me dire que je suis un chat.


mardi 23 mai 2017

L'homme, ce sacré animal !

Il y a un an déjà je publiais un article qui allait m'attirer de nombreux commentaires, son titre était L'homme et (est ?) l'animal.

Un de mes commentateurs favoris, Tsih pour ne pas le nommer, était intervenu à plusieurs reprises et avait notamment affirmé ceci :
  • [blabla] le développement spectaculaire d'une partie du cerveau chez l'homme au cours de l'évolution semble bien définitivement liée au phénomène qui a consisté pour nos ancêtres à accéder à et pouvoir consommer de la viande et des protéines animales (crues) plutôt que seulement des végétaux. [reblabla]
Bien que Tsih ait utilisé les mots « semble bien », il semble bien qu'il s'agissait pour lui d'une quasi certitude.

Aussi je suis désolé de devoir doucher ses certitudes en me référant à une récente étude parue en décembre 2016 et heureusement vulgarisée ce mois-ci dans Science&Vie par le journaliste scientifique Thomas Cavaillé-Fol ; cette étude s'intitule A single splice site mutation in human-specific ARHGAP11B causes basal progenitor amplification, ce qui, chez S&V, devient plus simplement La mutation qui a fait grossir notre cerveau.

Le papier original est assez ardu à lire (et surtout à comprendre) donc je me limiterai à citer la dernière phrase de l'abstract :
  • [...] a single nucleotide substitution underlies the specific properties of ARHGAP11B that likely contributed to the evolutionary expansion of the human neocortex. (Une seule substitution de nucléotide sous-tend les propriétés spécifiques de ARHGAP11B qui ont probablement contribué à l'expansion évolutive du néocortex humain.)
Pour avoir davantage de précisions utiles à la compréhension il est nécessaire pour le béotien que je suis de lire l'article de S&V duquel j'ai relevé les extraits intéressants qui suivent :
  • "Pendant nos millions d'années d'évolution, il y a eu des phases de croissance cérébrale et d'autres de réorganisation, commente Antoine Balzeau, paléoanthropologue au musée de l'Homme. Mais ce qui est sûr, c'est que cette évolution n'a pas  été linéaire, elle s'est faite par paliers."
  • Wieland Huttner et son équipe de l'Institut Max-Planck de Dresde, en Allemagne, viennent de désigner l'origine d'un de ces paliers : "C'est une seule petite mutation dans la séquence d'un gène, une cytosine remplacée par une guanine, qui a tout changé."
  • Reste à découvrir quand cette merveilleuse erreur a eu lieu. "Déjà nous savons que ARHGAP11B était présent chez les hommes de Néandertal et de Denisova, car nous avons pu séquencer leurs ADN, répond Wieland Huttner. Cela veut dire qu'il est apparu il y a au moins 500000 ans, date vers laquelle nos lignées se sont séparées. Il est par contre absent dans tout le reste du règne animal, même chez les grands singes ; il est donc plus jeune que notre séparation d'avec ceux-ci, il y a une dizaine de millions d'années." [...] "Nous estimons l'époque de la duplication à environ 5 millions d'années, en nous basant sur les différences entre les deux gènes ARHGAP11A et ARHGAP11B [...]" La mutation a donc eu lieu il y a entre 500000 ans et 5 millions d'années.
Je dois avouer que la dernière partie peut prêter à confusion ; le scientifique semble dire que la « duplication » s'est produite il y a environ 5 millions d'années et le journaliste en déduit que la « mutation » a eu lieu entre 500000 ans et 5 millions d'années...  Y-a-t-il une différence entre la duplication et la mutation ? Le mot mutation n'est employé qu'une fois dans le titre de l'étude, par contre dans le corps même de l'étude c'est le mot duplication qui est utilisé, notamment dans le graphique suivant :


Il parait assez évident que ces mots « duplication » et « mutation » signifient la même chose [ajout du 8/08/2017 : voir commentaire de Thomas Cavaillé en date du 8 août 2017 à 11h57 : « Non la duplication et la mutation ne sont pas les mêmes événements ! [etc.] »] , mais le journaliste aurait pu être plus clair dans ses explications ; la confusion vient de cette partie :
  • [...] these observations indicate that the C→G base substitution, which presumably occurred in the ~5 million years since the ARHGAP11 gene duplication event, took place before the archaic hominins diverged from the modern human lineage >500,000 years ago.
Cela ne se traduit pas par « il y a 5 millions d'années » mais plutôt par « la période comprise entre il y a 5 millions d'années et 500000 ans », les virgules étant particulièrement importantes ici :
  • la phrase principale est : these observations indicate that the C→G base substitution [...] took place before the archaic hominins diverged from the modern human lineage >500,000 years ago.
  • avec l'incise : which presumably occurred in the ~5 million years since the ARHGAP11 gene duplication event
La retranscription de cette partie de l'étude dans S&V prête donc à confusion et il est probable que le scientifique n'a pas exactement dit au journaliste « Nous estimons l'époque de la duplication à environ 5 millions d'années » ce qui, pris au pied de la lettre, n'est pas exact.

Nous avons donc une fourchette de 4 millions et demi d'années, allant de -5 millions à -500000.

Je trouve intéressant de mettre cette période en perspective avec d'autres données, comme par exemple la taille du cerveau humain ; cependant la tâche n'est pas aisée et les informations sont parfois...divergentes, qu'on en juge plutôt :
  • sur wikipedia - Evolution du cerveau
    • Australopithecus afarensis : 400-550cm3 - 4,1-3 millions d'années BP
    • Homo habilis : 500-700cm3 - 2,5 millions d'années BP
    • Homo erectus : 600cm3 - 1,5 millions d'années BP
    • Homo neanderthalensis :  1500-1800 cm3 - 300000 ans BP
    • Homo sapiens : 1350-1500 cm3 - 200000 ans BP
  • sur wikipedia - Capacité Crânienne
    • Australopithecus afarensis : 438cm3 - 3,6-2,9 millions d'années BP
    • Homo habilis : 612cm3 - 1,9-1,6 millions d'années BP
    • Homo erectus : 1000cm3 - 0,9 millions d'années BP
    • Homo neanderthalensis :  1200-1700 cm3 - 200000-300000 ans BP
Wikipedia n'est donc pas tout à fait d'accord avec elle-même sur les capacités et les dates, voyons donc autre chose peut-être plus sérieux :
  • sur le site RTS découverte, un article, daté de 2007, d'un professeur de médecine à Genève :
    • Australopithèques : 350-450cm3 - 4 millions d'années
    • Homo habilis : 600cm3 - 1,5-2 millions d'années
    • Homo erectus : 700-1300cm3 - 1,5 millions d'années (a probablement utilisé le feu)
    • Homo neanderthalensis : 1400 cm3 - 250000-30000 ans
    • Homo sapiens sapiens : 1400-1500 cm3 - 200000 ans
  • sur le site Matière et évolution,  un article, daté de 2012, d'un certain Robert Paris, qui a l'avantage de fournir des graphiques :

A noter que pour ce dernier intervenant :
  • Une des explications de l’élargissement cérébral serait l’apparition du langage. En effet, il y aurait un lien étroit entre l’augmentation du volume cérébral et le développement du langage articulé puisqu’il a été vu précédemment que le langage était associé à plusieurs zones cérébrales telles que les zones de Broca et de Wernicke. Ainsi, leur présence dans le cerveau entraînerait l’augmentation du volume cérébral. Par ailleurs, la socialisation et l’apparition des traditions culturelles auraient également entraîné une augmentation du volume cérébral afin d’assimiler, entre autres, les règles complexes de la société. Par ailleurs, bien que le moment où les outils seraient apparus, par rapport au début de l’élargissement cérébral fait débat, il y aurait un lien entre l’élargissement du cerveau et la fabrication d’outils. En effet, un développement au niveau du cerveau de nos ancêtres aurait un lien avec le développement et l’organisation des compétences impliquées dans la fabrication des outils.
 Nulle mention à l'alimentation et notamment à la consommation de viande...

Alors que penser de tout cela ?

Les australopithèques, qui ont vécu entre 6 et 2,5 millions d'années d'après wikipedia (mais peut-on faire confiance à wikipedia...?) avaient un régime apparemment essentiellement végétal, et ce n'est qu'au paléolithique que le régime carné a vraiment pris de l'importance si l'on en croit le site hominides qui nous fournit ce graphique :


Avec certaines informations à prendre en compte :
  • Les australopithèques
    Les éléments dont nous disposons indiquent que les australopithèques étaient végétariens et insectivores mais que, à l'occasion, il leur arrivait de déguster des rongeurs, des reptiles, des oiseaux, des oeufs. Les espèces robustes se différencient par une alimentation exclusivement végétarienne.
    Les australopithèques de l'Afar consommaient abondamment les parties souterraines des plantes (racines, bulbes, tubercules, rhizomes...) comme d'autres aliments coriaces tels que des légumes et des fruits. 
  • Homo habilis
    Son appareil masticateur reflète un régime de plus en plus omnivore. Il se nourrit pour plus des deux tiers de végétaux comme des bourgeons, jeunes feuilles, fruits, baies (en saison humide) et de noix, rhizomes, bulbes (saison sèche). Pour la viande, ils doivent en priorité dépecer des carcasses de gros herbivores tués par d'autres animaux et de manière plus ponctuelle attraper de petites proies (jeunes cochons, petits singes...) 
  • Homo erectus
    Si Homo erectus (et ergaster) continue à se nourrir de végétaux, il consomme de plus en plus de viande. Pour cela il pratique une chasse active sur de gros gibiers. Il développe pour cela de nombreux outils et armes. Cette pratique intensive de la chasse lui permet de se déplacer sur de vastes territoires et il modifie son mode de vie. A l'occasion, Homo erectus pouvait également consommer des coquillages.
    En août 2011 une étude indique qu'Homo erectus faisait cuire ses aliments.  
  • Homo neanderthalensis
    C'est le plus carnivore de toute la lignée des hominidés... Dans les régions les plus nordiques, beaucoup pensent que son alimentation est même essentiellement carnée du fait du manque de végétaux. Cela est prouvé par la proportion de C13 retrouvée sur les fossiles de deux sites : Sclayn et Marillac.
    Plusieurs éléments permettent de penser qu'Homo neanderthalensis pratiquait également la pêche. En 2008 une étude complète l'alimentation de Néandertal par du poisson, du phoque, du dauphin... En 2009 on retrouve des traces de consommation de végétaux dans le tartre de dents néandertaliennes.
    Sujet à débats, la pratique du cannibalisme pour survivre ou par rituel est parfois avérée, comme aussi chez les erectus de Tautavel ou d'Atapuerca. 
  • Homo sapiens
    Cette espèce, la nôtre, est celle dont le régime alimentaire a le plus évolué dans le laps de temps le plus court. De chasseur-cueilleur nomade, nous sommes passés au stade de cultivateur-éleveur, puis d'industriels... Même si nous consommons plus ou moins la même part de viande que nos ancêtres directs, celle-ci a complètement changé de nature. L'élevage intensif d'animaux, nourris avec des aliments riches donne une viande beaucoup plus grasse que celle du Paléolithique.
    La graisse est recherchée car elle est responsable du goût et de la tendreté..
    La promiscuité des villages et la proximité des animaux est très probablement à la base des maladies infectieuses graves comme la tuberculose.
    Une étude publiée en 2009 montre qu'Homo sapiens consommait du poisson
A noter que l'Homme de Neandertal était « le plus carnivore de toute la lignée des hominidés », et il a disparu...ce qui ne veut en aucun cas dire que manger de la viande tue, mais...


Au regard de toutes ces informations, si la duplication/mutation dont il est question plus haut a eu lieu il y a 5 millions d'années c'est à une époque où nos ancêtres mangeaient surtout des plantes et des racines.

Mais même si elle a eu lieu il y a 500000 ans, quand l'Homme mangeait un peu de tout, il est difficile de dire s'il y a un rapport avec la consommation de viande et l'augmentation de la capacité crânienne ; la consommation de viande peut très bien avoir été une conséquence de l'augmentation de la capacité crânienne, de manière indirecte, du fait que les hommes avaient socialisé et s'étaient arrangés pour mieux chasser et améliorer leur ordinaire ; et puis prétendre que les grands singes n'auraient pas évolué parce qu'ils ont continué à être herbivores alors que les hommes se seraient mis à manger de la viande et seraient donc devenus plus intelligents est assez léger comme raisonnement, il y a aujourd'hui de nombreuses personnes qui sont végétariennes et ne paraissent pas particulièrement stupides, on peut donc en déduire que manger végétarien ne nuit pas aux capacités cognitives ni d'ailleurs à la santé, à condition bien sûr d'avoir un régime varié. Cela-dit il n'est pas non plus prouvé que le régime carné ne soit pour rien dans notre évolution cognitive...

Quoi qu'il en soit cette étude de Wieland Huttner et son équipe montre bien que les choses ne sont pas si simples qu'elles paraissent parfois et je suis sûr que nous aurons encore d'autres théories sur le sujet dans le futur.

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samedi 20 mai 2017

Les sondages sont-ils fiables ?

Dans mon précédent billet je n'évoquais pas les sondages, mais dans les commentaires il en a été question quand j'en ai évoqué un en réponse à Robert :
  • Géd19 mai 2017 à 16:39 [...] fin janvier on donnait encore Fillon contre Le Pen et Macron arrivait en troisième position : « NFO RTL - Si Marine Le Pen et François Fillon sont les mieux placés pour accéder au second tour, Emmanuel Macron consolide son statut de troisième homme, selon un sondage Kantar Sofres-Onepoint pour RTL » (http://www.rtl.fr/actu/politique/presidentielle-2017-le-pen-en-tete-au-1er-tour-macron-talonne-fillon-7786982543) [...]
Ce à quoi Robert me répond :
  • Géd @

    Je n'ai jamais dit que Macron avait toutes les chances de gagner, j'ai dit que Hollande a fait tout ce qu'il pouvait pour. Le soutien de Hamon n'était qu'un soutien de façade (Hollande a de la mémoire). Quant aux sondages leur fiabilité est quasi nulle.

    Robert
Talleyrand disait que « tout ce qui est excessif est insignifiant », donc je serais tenté de dire que la dernière phrase du commentaire de Robert est insignifiante.

Cependant il me semble utile d'étudier un minimum la question afin au moins de s'assurer que, contrairement à ce que prétend Robert, la fiabilité des sondages n'est pas quasi nulle.

Il y a plusieurs définitions du mot sondage, données par exemple sur wikipedia :
Prise au pied de la lettre, la phrase de Robert « Quant aux sondages leur fiabilité est quasi nulle » s'appliquerait donc à tous les types de sondages, cependant il parait assez évident qu'il voulait parler de la quatrième définition, à savoir :
  • Un sondage peut également être une méthode statistique d'analyse d'une population humaine ou non humaine à partir d'un échantillon de cette population.
Wikipedia nous donne une définition de ce type de sondages de nature statistique :
  • Un sondage est une méthode statistique visant à évaluer les proportions de différentes caractéristiques d'une population à partir de l'étude d'une partie seulement de cette population, appelée échantillon. Les proportions sont déterminées avec des marges d'erreur, dans lesquelles se situent les proportions recherchées avec telle ou telle probabilité.
Il existe beaucoup d'applications des sondages, par exemple :
  • on relève leur utilisation dans le cadre de stratégies de marketing.
On peut déjà s'interroger sur la santé mentale des directeurs marketing qui utilisent fréquemment, pour « cibler les attentes de leurs consommateurs »,  une technique dont, selon Robert, la « fiabilité est quasi nulle »...

On sait également que les candidats à quasiment n'importe quelle élection sont très demandeurs de sondages qu'ils analysent afin de peaufiner leur stratégie, avec plus ou moins de bonheur il faut dire, mais personne n'est parfait.

Même quand les sondages sont interdits, la veille et le jour du scrutin, cela n'empêche pas les principaux intéressés d'en consulter des plus récents, ils sont simplement interdits à la diffusion au grand public.

Alors, les sondages, leur fiabilité est-elle vraiment quasi nulle ?

Il faut d'abord souligner, et c'est peut-être ce qui a échappé à Robert, qu'on ne parle pas de prédictions ou de prévisions des sondages, mais de projections !

J'avais déjà parlé de la confusion entre prédictions, prévisions et projections dans ce billet sur les modèles climatiques :
  • [...] c'est une constante chez les climatosceptiques de confondre projections avec prévisions ou prédictions, et donc climat (projections) avec météo (prévisions) ou astrologie (prédictions) [...]
Ainsi il semblerait que Robert tombe dans le même piège que les climatosceptiques qui croient que les modèles climatiques sont censés prévoir le climat futur, alors qu'en fait ils ne font que projeter des hausses de températures en fonction de scénarios bien spécifiques ; comme le précise le site du Centre National de Recherches Météorologiques :
  • Concernant les gaz à effet de serre et les aérosols, leur évolution future est fortement liée aux activités humaines et reste très incertaine. Afin de prendre en compte ces incertitudes, différents scénarios d’émissions de ces particules sont proposés par des économistes et les modèles sont utilisées pour simuler l’évolution du climat suivant ces différents scénario d’émission.
Ainsi les sondages politiques fonctionnent à base de scénarios donnant des projections qui sont fonction de ces scénarios ; la différence essentielle entre sondages politiques et modèles climatiques est que les scénarios changent quasiment tous les jours quand on est dans un processus électoral, alors que les scénarios utilisés pour les modèles climatiques sont beaucoup plus pérennes, on ne les change pas souvent et ils restent valables assez longtemps.

L'exemple le plus caractéristique est le « cas Fillon ».

En décembre 2016 Fillon était aux alentours des 30% d'intentions de vote, mais ça c'était avant l'« affaire Pénélope » révélée le 24 janvier 2017. A partir de cette date Fillon a irrémédiablement chuté dans les sondages, avec quelques petites reprises sans importance, pour en arriver à environ une vingtaine de % à la veille du premier tour ; il y a donc eu un scénario « avant l'affaire » et plusieurs scénarios « après l'affaire ».

Voyons plus en détail avec les chiffres fournis par wikipedia :
  • Résultats premier tour :
    • Macron : 24,01%
    • Le Pen : 21,30%
    • Fillon : 20,01%
    • Mélenchon : 19,58%
  • Sondage Odoxa du 21 avril :
    • Macron : 24,50%
    • Le Pen : 23,00%
    • Fillon : 19,00%
    • Mélenchon : 19,00%
  •  Sondage IFOP du 30 mars :
    • Macron : 26,00%
    • Le Pen : 25,50%
    • Fillon : 17,00%
    • Mélenchon : 15,00%
  •  Sondage IFOP fin novembre 2016 :
    • Fillon : 28%
    • Le Pen 24%
    • Macron : 15%
    • Mélenchon : 11%
    • Valls : 10%
Il y a plusieurs constatations que l'on peut faire en regardant ces résultats de sondages et en les comparant aux résultats finaux :
  • Sans l'« affaire Pénélope » ce ne serait pas Macron notre actuel président, mais Fillon !
  • Le sondage de novembre 2016 a été effectué avant que Valls ne soit éliminé de la primaire de la Gauche ; à cette époque il faisait jeu égal avec Mélenchon, ce que fera également Hamon après avoir été choisi, mais avant de dégringoler au profit essentiellement de Mélenchon ce qui explique en grande partie la remontée de celui-ci par la suite ;
  • En novembre Macron était très loin de Fillon et Le Pen, et on ne voit pas trop par quel miracle, en sachant ce que l'on sait maintenant, comment il aurait pu passer devant l'un des deux s'il n'y avait pas eu l'« affaire Pénélope ».
A la lecture de ces différents sondages on ne peut que constater qu'ils ont reflété assez fidèlement l'évolution de la campagne avec ses diverses péripéties.

Les sondages politiques ne sont donc rien d'autre que la photographie de l'opinion à un instant donné, avec une marge d'erreur compréhensible étant donné que les calculs sont basés sur un échantillon de la population avec toutes les incertitudes que cela comporte.

Il ne faut donc pas vouloir faire dire aux sondages ce qu'ils ne peuvent pas prévoir.

Pour terminer voici la définition la plus précise que l'on puisse trouver du mot projection, dans le cadre qui nous intéresse ici, elle émane du site cnrtl :
  • 4. STAT. ,,Extrapolation temporelle d'une tendance observée sur un intervalle de temps, conduisant à une estimation de la valeur future de la variable`` (Éduc. 1979).
    Projection démographique. ,,Opération mentale par laquelle, à partir de l'état et des tendances d'une population actuelle, on estime l'effectif de cette population dans un avenir donné`` (Foulq. Sc. soc. 1978).
    Projection économique. ,,Représentation prospective ou précision de l'état économique, qui, dans un avenir déterminé et compte tenu des changements que l'on peut imaginer, résultera probablement des conditions actuelles`` (Foulq. Sc. soc. 1978). La commission de la sidérurgie, par exemple, établit ses prévisions non par projection ou estimation de la tendance, mais par addition des programmes réels des entreprises (Reynaud, Syndic. en Fr.,1963, p.238).
Il serait toutefois utile que ce site rajoute un alinéa concernant les projections issues des sondages politiques.

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