dimanche 9 juillet 2017

La prochaine crise est pour bientôt, quoique...

Un sport assez largement pratiqué par des augures de toutes natures est la prédiction de la prochaine crise économique et/ou financière qui ne saurait tarder.

Ainsi Olivier Delamarche, un bon ami d'un autre Olivier, Berruyer celui-là, prévoyait fin 2011 un CAC40 à 2000 points pour l'année 2012 :
  • Olivier Delamarche : «Je vois le CAC 40 à 2000 points en 2012»
Il récidivait début 2015 en prévoyant le même CAC40 à 6000 points :
  • L'enjeu est donc ailleurs pour Olivier Delamarche : « Quand j'entends les gens qui disent on va aller jusqu'à 5500 ou 6000 points sur le CAC 40, oui, pourquoi pas ? De toute façon, le sujet n'est pas là. Il est sur la devise et sur le grand écart [qui se creuse] aujourd'hui tous les jours un peu plus entre les fondamentaux et les marchés. » 
Donc un coup il prévoit une chute à 2000 points, une autre fois c'est une montée à 6000 (qu'il ne prévoit pas vraiment, mais qu'il n'exclut pas, par mesure de prudence certainement...)

Alors "voyons" les choses objectivement avec Boursorama :


Non seulement le CAC40 n'est jamais descendu à 2000 points (il a à peine testé les 3000 points, sans s'attarder...) mais il est encore, deux ans après sa deuxième expérience extra-lucide, aux alentours des 5000 points avec des perspectives de croissance qui laissent à désirer (en tout cas qui se font attendre) ; on dirait que le CAC40 se complait dans la zone 4000-5000 points rien que pour embêter Olivier Delamarche (je ne sais pas ce qu'il aurait pu déclarer récemment, cela fait longtemps que je ne le suis plus, il devenait un peu répétitif à mon goût)

Mais il est loin d'être le seul à s'aventurer à faire ce genre de prédictions économiques, avec l'espoir qu'un jour, peut-être, la crise arrivera enfin et qu'il pourra dire « voila je vous l'avais bien dit ! »

Cela me fait penser aux voyant(e)s et autres astrologues qui font une infinité de prédictions, souvent contradictoires, sachant très bien que statistiquement un jour ou l'autre l'une de ces prédictions se réalisera, du moins en partie, et ils/elles pourront alors citer ces prédictions "avérées" comme preuve de leur extra-lucidité ; la ficelle est vieille comme le monde mais elle marche toujours, les gens ayant en général une mémoire de poisson rouge et étant trop fainéants pour aller comptabiliser les nombreux échecs cachés sous le tapis.

En est-il de même pour Gail Tverberg ? On pourrait se poser la question pourtant son travail semble plus sérieux que celui du sieur Delamarche.

Elle se présente elle-même sur son site comme suit :
  • My name is Gail Tverberg. I am an actuary interested in finite world issues - oil depletion, natural gas depletion, water shortages, and climate change. Oil limits look very different from what most expect, with high prices leading to recession, and low prices leading to inadequate supply.
    • Je m'appelle Gail Tverberg. Je suis un actuaire intéressé par des questions mondiales limitées [ou bien définies] - l'épuisement du pétrole, l'épuisement du gaz naturel, les pénuries d'eau et le changement climatique. Les limites concernant le pétrole semblent très différentes de ce à quoi s'attendent la plupart des gens, avec des prix élevés conduisant à la récession et des prix bas conduisant à une offre insuffisante [ou inadéquate].
C'est donc une actuaire, tout comme Olivier Berruyer (aie aie aie...)

Elle semble jouir d'une certaine notoriété que j'ai du mal à "quantifier", mais il faut dire que je ne suis pas actuaire et que je n'ai aucune connaissance des questions liées au pic du pétrole ou aux pénuries d'eau, le seul domaine dans lequel je me sens un peu à l'aise maintenant, après plusieurs années de pratique à titre d'amateur plus ou moins éclairé, c'est le changement climatique, et c'est d'ailleurs pour cela qu'elle figure dans ma bloglist.

Mais l'article suivant, intitulé The Next Financial Crisis Is Not Far Away (avec cette horrible manie qu'ont les anglo-saxons de mettre une capitale à chaque mot...), c'est-à-dire, en bon français, la prochaine crise financière est pour bientôt, a jeté un gros doute chez moi quant aux capacités de prédiction de la môme Tverberg.

Pour faire simple et court, sa thèse tient en quelques phrases qu'elle souligne dans son texte :
  • The amount [of energy] consumed represents the amount of energy products that individual citizens, plus businesses, plus the government, can afford.
    • Le montant [d'énergie] consommé[e] représente la quantité de produits énergétiques que les citoyens individuels, plus les entreprises, plus le gouvernement, peuvent se permettre.
  • Oil importing countries can have troubles when oil prices rise, similar to the problems that oil exporting countries have when oil prices fall.
    • Les pays importateurs de pétrole peuvent avoir des problèmes lorsque les prix du pétrole augmentent, les mêmes problèmes que les pays exportateurs de pétrole ont lorsque les prix du pétrole chutent.
  • [...] drops in energy consumption tend to precede drops in world GDP; rises in energy consumption tend to precede rises in world GDP. This order of events strongly suggests that rising energy consumption is a major cause of world GDP growth.
    • [...] les chutes de consommation d'énergie ont tendance à précéder les baisses du PIB mondial ; les augmentations de la consommation d'énergie ont tendance à précéder les hausses du PIB mondial. Cet ordre des événements suggère fortement que la hausse de la consommation d'énergie est une cause majeure de la croissance du PIB mondial.
Et c'est sur cette dernière affirmation que les choses se gâtent, sérieusement, pour la thèse de Gail Tverberg...

En effet, elle se base sur le graphique suivant pour étayer ses propos :

Slide 12 – Note: Energy growth includes all types of energy. This includes wind and solar, using wind and solar counted using the optimistic BP approach.

On peut effectivement constater une corrélation certaine entre la courbe de la consommation d'énergie (en bleu) et celle du PIB mondial (en rouge) avec une courbe bleue qui a tendance à précéder la courbe rouge.

Et pour enfoncer le clou Gail Tverberg cite le cas de l'Espagne :
  • Spain follows a pattern similar to Greece’s. By the mid-2000s, high oil prices made Spain less competitive in the world market, leading to falling job opportunities and less energy consumption. Since 2014, very low oil prices have allowed tourism to rebound. Oil consumption has also rebounded a bit. But Spain is still far below its peak in energy consumption in 2007 (top chart on Slide 8), indicating that job opportunities and spending by its citizens are still low.
    • L'Espagne suit un modèle similaire à celui de la Grèce. Au milieu des années 2000, les prix élevés du pétrole ont rendu l'Espagne moins compétitive sur le marché mondial, ce qui a entraîné une baisse des possibilités d'emploi et une moindre consommation d'énergie. Depuis 2014, les prix très bas du pétrole ont permis au tourisme de rebondir. La consommation de pétrole a également rebondi un peu. Mais l'Espagne est encore loin en dessous de son pic de consommation d'énergie en 2007 (graphique principal de la diapositive 8), indiquant que les possibilités d'emploi et les dépenses de ses citoyens sont encore faibles.
Slide 8

Ainsi la crise de 2007-2008 aurait été provoquée par une chute de la consommation de pétrole, non sans blague !?

Pourtant il me semblait que la crise de 2007-2008 avait d'abord été une crise financière, entrainant une crise économique, entrainant une chute de la consommation de pétrole !

Alors pour en avoir le cœur net j'ai pris mon bâton de pèlerin et je suis allé consulter un certain nombre de sites évoquant la crise de 2007-2008 ; en voici la liste (non limitative bien sûr, j'ai pris les premiers choix par ordre d'apparition à l'écran) :
  • https://sites.google.com/site/barometredegestionstrategique/Accueil/articles/causes-de-la-crise-economique-mondiale
    • « 
      Cette crise fut d’abord celle de produits financiers toxiques et de l’irresponsabilité de certaines banques. Les fameux « subprimes », les prêts accordés sans le moindre scrupule aux emprunteurs les moins solvables, ont provoqué une réaction en chaîne, avec la bénédiction des agences de notation, qui finit par atteindre le cœur de la machine financière.
    • Références au pétrole :
      • « Tout au long des années 2000, il s’est créé d’énormes déséquilibres dans l’économie américaine : un endettement insoutenable, la création successive de bulles, d’abord celle des entreprises technologiques en 2000, ensuite celle de l’immobilier, en 2006, et enfin celle du pétrole pas longtemps après.
      • « La récession mondiale ne résulterait pas de l'effondrement du marché immobilier, mais bien plutôt de la flambée des cours pétroliers et de ce vaste transfert de richesse vers les pays producteurs de pétrole. Si cette corrélation tient, le plongeon de 56 % des cours de l'or noir depuis juillet pourrait accélérer un retour de la croissance.
      • « Le ralentissement mondial et la récession ne sont pas tant le résultat de la crise du crédit que des prix exorbitants du pétrole. (...) «Quatre des cinq dernières récessions mondiales ont été causées par les chocs pétroliers. Et l’économie mondiale sort à peine de la mère de tous ces chocs», estime Jeff Rubin, économiste en chef chez CIBC.
On trouve donc dans cet article des positions contradictoires, certains auteurs attribuant une importance causale au pétrole dont les prix auraient "flambé", ce qui aurait entrainé la crise.

  • http://www.opee.unistra.fr/spip.php?article34
    • Depuis le déclenchement de la crise des « subprimes » aux Etats-Unis en été 2007, le choc s’est propagé rapidement dans le monde et a pris de court les décideurs politiques qui ne mesurent que tardivement l’ampleur et la nature de la crise actuelle avec l’effondrement des prix des différents actifs. La crise des « subprimes » s’apparente initialement à une crise immobilière banale comme celles que nous avons connues maintes fois dans le passé. Dorénavant, avec les faillites de plusieurs grandes banques américaines et européennes et les signaux démultipliés de ralentissement brutal de l’économie mondiale, on pourrait qualifier l’actuelle crise de grande crise systémique.
    • Aucune référence au pétrole dans le texte...
  • http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/crise-financiere-2007-2008/crise-subprimes.shtml
    • « La crise financière est à due proportion de la situation de fragilité qu’avait développée l’économie mondiale. Une fragilité masquée par ses succès : la libéralisation globale des marchés financiers, l’intégration des économies, l’action victorieuse des banquiers centraux dans leur lutte contre l’inflation. Cette situation a tout du "paradoxe de la tranquillité". (...)
      Pour la crise financière qui débute en 2007, le "paradoxe de la tranquillité" se double d’un "paradoxe de la crédibilité" : la lutte contre l’inflation, ayant donné des résultats très favorables, a renforcé la crédibilité des banques centrales. Une liquidité abondante entraîne des rendements obligataires faibles et une diminution généralisée des primes de risque, les marchés intégrant l’efficacité des politiques anti-inflationnistes des banques centrales. Il s’ensuit de leur part une recherche accrue de rentabilité, à l’abri d’une crédibilité accrue dans les instances de régulation et les méthodes comptables, tandis que les innovations financières ne cessent de se développer.
      Les déséquilibres qui ont conduit à la crise des subprimes ne se sont pas enchaînés de façon linéaire et unidirectionnelle. C’est même tout le contraire : on a assisté à la conjonction de nombreux événements qui se sont renforcés les uns les autres, ce qui complique évidemment l’analyse. A posteriori, on peut néanmoins faire apparaître un ensemble de six faits stylisés principaux. (...)
    • Une référence au pétrole dans le texte :
      • La croissance non inflationniste se poursuit, même quand les prix des matières premières se mettent à croître (pétrole, métaux, produits alimentaires de base), suite notamment à la demande des pays émergents, Chine en premier lieu.
Ici la hausse du prix du pétrole est clairement analysée comme une conséquence et non une cause.
    • Les banques et les firmes d’investissement ont tellement subi de pertes dans cette aventure qu’elles ont dû faire appel au gouvernement américain afin d’éviter une plus grande catastrophe financière encore.  Ainsi, par exemple, la firme américaine Goldman Sachs a reçu une aide de 10 000 000 000$. Il y a aussi eu plusieurs autres banques victimes dans cette crise financière. La banque d’investissement Lehman Brothers est tombée sous la pression des créanciers, une autre banque, Bear Sterns a été achetée par la banque JP Morgan Chase et finalement, la banque d’investissement Merrill Lynch a été achetée par Bank of America. Plusieurs années après cette crise, nous pouvons encore affirmer que ces effets sont toujours ressentis par les marchés financiers.
    • Aucune référence au pétrole dans le texte...
  • http://www.investopedia.com/articles/economics/09/financial-crisis-review.asp
    • With the onset of the global credit crunch and the fall of Northern Rock, August 2007 turned out to be just the starting point for big financial landslides.
      • Avec le début de la crise du crédit mondial et de la chute de Northern Rock,  août 2007 s'est juste avéré être le point de départ des grands glissements de terrain financiers.
    • Aucune référence au pétrole (oil) dans le texte...
  • http://positivemoney.org/issues/recessions-crisis/
    • The financial crisis happened because banks were able to create too much money, too quickly, and used it to push up house prices and speculate on financial markets.
      • La crise financière s'est produite parce que les banques ont pu créer trop d'argent, trop rapidement, et l'ont utilisé pour faire monter les prix des maisons et spéculer sur les marchés financiers.
    • Référence au pétrole (oïl) :
      • So when people repay loans faster than banks are making new loans, it’s like draining the oil from the engine of a car: the economy slows down and prices decrease.
        • Donc, lorsque les gens remboursent les prêts plus rapidement que les banques font de nouveaux prêts, c'est comme vider le pétrole du moteur d'une voiture: l'économie ralentit et les prix diminuent.
Le pétrole (ou plutôt l'huile du moteur...) est utilisé ici comme image...
  • https://www.thebalance.com/2007-financial-crisis-overview-3306138
    • The 2007 financial crisis is the breakdown of trust within the financial system. It was caused by the subprime mortgage crisis, which itself was caused by the use of derivatives. This timeline includes the early warning signs, causes, and signs of breakdown. It also recounts the steps taken by the U.S. Treasury and the Federal Reserve. Unfortunately, it was not enough to prevent the 2008 financial crisis and the Great Recession.
      • La crise financière de 2007 est la dégradation de la confiance dans le système financier. Elle a été causée par la crise des prêts hypothécaires à risque, qui a été causée par l'utilisation de produits dérivés. Ce calendrier comprend les signes d'alerte précoce, les causes et les signes de dépression. Il rappelle également les mesures prises par le Trésor américain et la Réserve fédérale. Malheureusement, cela ne suffisait pas pour empêcher la crise financière de 2008 et la Grande récession.
    • Référence au pétrole (oïl) :
      • [...] resale single-family home sales were projected to fall to a 4.9 million rate in Q1 2008, down 23% from 2007. This was as bad as the 24% decline experienced during the Great Depression of 1929. It would be similar to the 22-40% decline in Texas and other oil-producing states during the S&L Crisis in 1989.
        • [...] les reventes de maisons unifamiliales devaient tomber à 4,9 millions au premier trimestre de 2008, en baisse de 23% par rapport à 2007. Ce fut aussi mauvais que la baisse de 24% enregistrée pendant la Grande dépression de 1929. Ce serait similaire à la baisse de 22 à 40% au Texas et dans d'autres états producteurs de pétrole pendant la crise de S & L en 1989.
Le pétrole n'est pas vraiment ici le sujet de la crise de 2007-2008 ; par ailleurs il faut noter que cet article a été actualisé le 5 juillet 2017, il est donc plus récent que celui de Gail Tverberg de quelques jours...

Mais j'ai gardé pour la fin ce site qui liste de manière très détaillée les causes diverses de la crise de 2007-2008.
  • https://fas.org/sgp/crs/misc/R40173.pdf
    • Imprudent Mortgage Lending (prêts hypothécaires imprudents)
    • Housing Bubble (bulle immobilière)
    • Global Imbalances (déséquilibres mondiaux)
    • Securitization (titrisation)
    • Lack of Transparency and Accountability in Mortgage Finance (mnque de transparence et de responsabilisation dans le financement hypothécaire)
    • Rating Agencies (agences de notation)
    • Mark-to-market Accounting (comptabilité mark-to-market)
    • Deregulatory Legislation (législation dérégulatrice)
    • Shadow Banking System (système bancaire parallèle)
    • Non-Bank Runs (paniques non-bancaires)
    • Off-Balance Sheet Finance (financements non inclus dans les bilans ; cf mon article...)
    • Government- Mandated Subprime Lending (prêts Subprime rendus obligatoires par le gouvernement)
    • Failure of Risk Management Systems (échec des système de gestion des risques)
    • Financial Innovation (innovation financière)
    • Complexity (compléxité)
    • Human Frailty (fragilité humaine)
    • Bad Computer Models (mauvais modèles informatiques)
    • Excessive Leverage (effet de levier excessif)
    • Relaxed Regulation of Leverag (relâchement de la régulation de l'effet de levier)
    • Credit Default Swaps (CDS)
    • Over-the-Counter Derivatives (dérivés en vente libre)
    • Fragmented Regulation (réglementation fragmentée)
    • No Systemic Risk Regulator (pas de régulateur de risque systémique)
    • Short-term Incentives (incitations à court-terme, i.e. bonus sur les résultats immédiats)
    • Tail Risk (un bon dessin vaut mieux qu'un long discours)
    • Black Swan Theory (surprise, surprise...)
D'où l'on voit que le pétrole n'apparait pas comme un acteur majeur de la crise...

Par ailleurs Gail Tverberg semble se contredire quand elle évoque l'URSS avec notamment ce graphique :

Slide 4

Ainsi elle montre la baisse de la consommation d'énergie du pays après l'effondrement, celui-ci n'a donc pas été causé par le pétrole ; en fait les causes de la chute de l'URSS sont multiples et se sont étalées sur de nombreuses années, partant peut-être de 1979 avec l'invasion de l'Afghanistan qui n'a jamais pu être "digérée" et a certainement coûté cher au régime ; on peut ajouter à cela l'inefficacité du système économique en tant que tel qui est assez bien documentée, par exemple :
  • Le poids politique et économique du complexe militaro-industriel faisait que ce secteur restait prioritaire.
  • Une fois épuisés les gains de production rendus possibles par la mobilisation des ressources, l'économie planifiée soviétique n'était pas à même de répondre aux exigences d'une économie moderne et complexe.
  • Alors que l'économie croissait, le volume de décisions à prendre par les planificateurs de Moscou devint énorme. Les lourdes procédures de l'administration bureaucratique ne permettaient pas de communication libre et une réponse flexible requises au niveau des entreprises pour gérer les revendications salariales, l'innovation, les clients et les fournisseurs.
  • En 1994, le conseiller scientifique de Gorbatchev, Roald Sagdeev, écrivit que l'URSS avait un retard de 15 ans sur les standards occidentaux concernant l'électronique, le meilleur indicateur étant l'absence de superordinateur conçus et fabriqués localement malgré l'énorme espionnage effectué à l'étranger par les services de renseignement soviétiques[10].
  • Les problèmes économiques de l'URSS furent un des facteurs qui provoquèrent son éclatement, en 1991
De tout cela on ne voit pas comment les problèmes économiques de l'URSS auraient pu être causés par une baisse de la consommation d'énergie, d'autant que Gail Tverberg dit bien que la baisse de la consommation d'énergie à succédé à l'effondrement !

Mais il est vrai que Gail Tverberg parle de crise au niveau mondial, et quand elle évoque l'URSS c'est pour mentionner que l'effondrement était partiel et n'a pas eu de conséquences significatives au-delà du bloc de l'Est.

Cependant on peut quand même noter sa remarque :
  • Many types of relatively high-paying jobs have been lost, leading to lower energy consumption.
    • De nombreux types d'emplois relativement bien rémunérés ont été perdus, ce qui a entraîné une baisse de la consommation d'énergie.
Nous avons peut-être là une piste sérieuse, parmi beaucoup d'autres, pour nous expliquer pourquoi la consommation d'énergie chuterait, ce qui au passage mettrait à mal la thèse que ce serait celle-ci qui provoquerait des crises...

Mais elle a probablement raison quand elle dit :
  • As nearly as I can tell, one of the major contributing factors to the collapse of the Soviet Union was low oil prices. The Soviet Union was an oil exporter. As oil prices fell, the government could not collect sufficient taxes. This was a major contributing factor to collapse. The collapse from low oil prices did not happen immediately–it took several years after the drop in oil prices. There was a 10-year gap between the highest oil price (1981) and collapse (1991), and a 5-year gap after oil prices dropped to the low 1986 price level.
    • À mon avis, l'un des principaux facteurs contributifs à l'effondrement de l'Union soviétique était le bas prix du pétrole. L'Union soviétique était un exportateur de pétrole. Au fur et à mesure que les prix du pétrole diminuaient, le gouvernement ne pouvait pas collecter des taxes suffisantes. Ce fut un facteur majeur de l'effondrement. L'effondrement causé par les prix bas du pétrole n'a pas eu lieu immédiatement: il a fallu plusieurs années après la chute des prix du pétrole. Il y a eu un écart de 10 ans entre le prix du pétrole le plus élevé (1981) et l'effondrement (1991) et un écart de 5 ans après que les prix du pétrole ont chuté au faible niveau de prix de 1986.
Si ce dernier point est vrai, pour l'URSS comme pour le Venezuela qu'elle cite juste après, on peut s'interroger quand le prix du pétrole augmente, comme cela a été le cas lors des chocs pétroliers, avec des mécanismes assez différents :
  • pour 1973 plusieurs facteurs entrent en jeu :
    • les USA ont passé leur pic de production en 1971 ;
    • l'abandon des accords de Bretton Woods entraine une baisse brutale du dollar ;
    • la baisse du dollar entraine à son tour la hausse du baril ;
    • la guerre du Kippour en 1973 entraine l'embargo arabe qui limite les importations de brut. 
  • pour 1979 c'est essentiellement la guerre Iran-Irak qui a suivi la révolution iranienne qui est à l'origine de ce second choc pétrolier.
  • en 2008 (soit après 2007...) il y a bien eu une envolée du prix du pétrole, mais elle était due à la spéculation selon une étude du Masters Capital Management.

Et pour appuyer sa thèse Gail Tverberg nous montre ce graphique :

Slide 14 – Note: Energy percentage increases include all energy sources shown by BP. Wind and solar are included using BP’s optimistic approach for counting intermittent renewables, so growth rates for recent years are slightly overstated
La courbe représente cette fois la consommation par tête de pipe (world energy consumption divided by world population) et on voit cette fois que la courbe a commencé à décroitre nettement avant les années 2007-2008, il semblerait que ce soit en 2004-2005 ; de là à en déduire que ce serait cette chute de la consommation d'énergie par habitant qui serait la cause de la crise économique et financière de 2007-2008, on peut être sceptique...

Et de là à en déduire que, puisqu'actuellement nous constatons, depuis 2011-2012, une chute de cette même consommation d'énergie par habitant, alors nous serions face à une nouvelle crise qui ne tardera pas à frapper à la porte, comme elle l'assure dans son introduction :
  • Recently, a Spanish group called “Ecologist in Action” asked me to give them a presentation on what kind of financial crisis we should expect. They wanted to know when it would be and how it would take place. The answer I had for the group is that we should expect financial collapse quite soon–perhaps as soon as the next few months. Our problem is energy related, but not in the way that most Peak Oil groups describe the problem. It is much more related to the election of President Trump and to the Brexit vote.
    • Récemment, un groupe espagnol appelé "Ecologiste en action" m'a demandé de leur faire une présentation sur le type de crise financière auquel nous devions nous attendre. Ils voulaient savoir quand ce serait et comment cela se déroulerait. La réponse que j'ai eu pour le groupe est que nous devrions nous attendre à un effondrement financier assez tôt, peut-être dès les prochains mois. Notre problème concerne l'énergie, mais pas la manière dont la plupart des groupes "Peak Oil" décrivent le problème. C'est beaucoup plus lié à l'élection du président Trump et au vote sur le Brexit.


Autant j'adhère à beaucoup de choses expliquées par Gail Tverberg, autant je reste très circonspect quant à la possibilité d'une prochaine crise financière qui arriverait "dans les prochains mois" à cause de Trump ou du Brexit, avec le calendrier suivant :

Slide 18

L'article de Gail Tverberg a à cette heure suscité plus de 1500 commentaires, manifestement je ne joue pas dans la même catégorie qu'elle et elle a donc certainement raison (ceci est ironique, je dis cela à l'intention de ceux qui ont tendance à mal me lire...), donc avant la fin de l'année 2017 nous devons nous attendre à une crise majeure.

A moins que...


3 commentaires:

  1. Ahlala toujours CE bon vieux problème de cause à effet ou de la poule ou l'oeuf.. En fait j'adhère assez bien au fait que l'énergie est le moteur de l'économie et qu'il y a bien sûr des phénomènes de rétroaction qui amplifie le phénomène.. Pour la crise de 2008, ma vision issue de mes lectures: 1)les banques, sur la base de l'évolution continuellement à la hausse du prix de marchés de l'immobilier, ont fait des offres de crédits à des gens à revenus modestes (ouvriers) en se disant que si ces gens n'arrivent plus à honorer leurs traites, la valeur de la maison saisie couvrira la mise de départ.
    2)Des industries notamment dans le bâtiment et dans la production automobile boivent la tasse et laissent ainsi des travailleurs sur le carreau. Entre parenthèse, dans le cas des constructeurs automobiles américains, les Big three, n'ont pas vraiment fait le choix stratégique d'offrir au consommateur américain des voitures visant la sobriété en carburant, ce qui ne me paraît pas vraiment étranger à leurs déboires..
    3) Les banques saisissent à tour de bras, et ce qui leur paraissait impensable se réalise: les prix s’effondrent..
    4) Au vu de l'ampleur de la débâcle, notre petite élite de boursicoteurs, jamais à court d'idée, cachent leurs pertes et pondent le subprime pour diluer les pertes.. Et la laisse à la charge de la collectivité, en empochant les aides des états qui veulent empêcher une banqueroute en cascade..
    Donc bien sûr que les gens qui se sont retrouvés au chômage (et de plus durablement!) sont écartés partiellement de la consommation de pétrole directe (pas de voyage pour les vacances) ou indirecte (moins de produits manufacturés).. Mais il ne faut pas oublier que c'est d'abord les licenciements d'usine qui a été le déclencheur. Et ces usines sont sensibles notamment à l'énergie reine de l'échange qu'est le pétrole. Il commence à être admis (à posteriori) par l'AIE (je ne parle pas de l'ASPO) que le pic de pétrole conventionnel a été passé en 2006. Alors est ce que le rapprochement si ténu entre ces 2 évènements sont le fruit du hasard? Allez savoir.. Mais moi je ne le crois pas.

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    1. « vieux problème de cause à effet ou de la poule ou l'œuf »

      Effectivement beaucoup de gens confondent las causes et les conséquences, en fait, surtout en économie, il semble difficile de dire ce qui a réellement commencé et ce qui s'est ensuivi.

      Il fait cependant peu de doute que le charbon, au 19ème siècle, a été le carburant (et non le moteur...) servant à alimenter la "machine de production" qui a permis ce que l'on a appelé la révolution industrielle ; il y a eu ensuite le pétrole, l'eau, le nucléaire, et aujourd'hui le soleil, le vent, la chaleur de la Terre et peut-être quelques autres sources d'énergie encore que j'oublie, qui ont tous participé à l'alimentation de la "machine" toujours plus gourmande ; on peut dire qu'alors c'est bien la consommation d'énergie qui a entrainé une hausse de la production mondiale de biens.

      Mais depuis quelques temps (quelques décennies ?) cela ne semble plus marcher tout à fait comme cela.

      Par exemple si l'économie du Japon est atone depuis les années 1980 on ne peut pas dire que ce soit par manque de pétrole ; le taux d'épargne des japonais a atteint des sommets (dans les 15% de leurs revenus nets si je me souviens bien) ce qui n'était pas pour favoriser la croissance...

      A mon avis il me semble qu'aujourd'hui la consommation d'énergie est plutôt à la traine et court après la croissance industrielle : faible croissance industrielle => baisse de la demande d'énergie, d'où prix du pétrole qui se maintiennent à des bas niveaux ; mais les niveaux bas du baril s'expliquent aussi par l'exploitation des gaz de schiste aux USA, il y a beaucoup de facteurs en jeu, c'est très compliqué à comprendre et je n'émets ici qu'une opinion personnelle sans garantie d'exactitude (pas d'effet DK chez moi...)

      J'apporterai un petit bémol à votre analyse de la crise, les subprimes n'ont pas été "pondus" par les boursicoteurs en réaction à leurs pertes ; je ne sais pas quand ils ont été créés exactement, mais c'était bien avant que la crise ne survienne, ils ont été l'un des nombreux facteurs ayant causé la crise, peut-être "la goutte qui a fait déborder le vase", mais ce n'est même pas certain.

      Aujourd'hui on pointe du doigt les prêts étudiants comme le futur déclencheur de la prochaine crise (quand ce n'est pas le pétrole, bien des coupables sont sur liste d'attente...) mais personnellement je n'y crois pas ; les étudiants sont des personnes physiques qui, même s'ils rencontrent des difficultés pour rembourser leurs prêts, feront tout pour y arriver, et on peut leur faire confiance (surtout les Américains), alors que les subprimes c'était du vent, du virtuel, la valeur des maisons pouvant fluctuer au gré de l'offre et de la demande, bref comme la Bourse, du quasi-casino, il n'y a que la forme et la couleur des jetons qui changent !

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  2. Bonjour Ged,
    Concernant votre argument du taux d'épargne, je ne sais pas s'il est vraiment valable. En effet, de l'épargne c'est du capital passé, donc transformé depuis plusieurs années. Je pense que si on rentrait dans le détail de cette statistique, les détenteurs de cette "épargne" (au Japon ou dans n'importe quel pays de l'OCDE) serait sans surprise détenue de manière prépondérante par la génération des + de 60 ans, et non par les générations 30-40 ans qui est en plein dans la vie active.
    Par contre, je pense que cette épargne est la source des spéculations, et des phénomènes de bulles qui soudain s'emballent et explosent. Ce sont les joies de la finance virtuelles où l'argent utile à éradiquer la misère, est plutôt flambée à travers les jeux en bourses,..
    Concernant les bas prix du pétrole, je suis également convaincu que les lois offre-volume ne marchent pas. En clair ce n'est pas parce que nous avons beaucoup de ressources que le prix doit être bas, et l'inverse. J'ai cru à cette vision de l'économie, mais plusieurs réflexions contradictoires, m'ont faire revoir mon jugement. Je vous conseille notamment l'avis de Gael Giraud qui est assez intéressant sur le sujet.
    Sur l'analyse de la crise des subprimes, vous m'écrivez :"je ne sais pas quand ils ont été créés exactement, mais c'était bien avant que la crise ne survienne". C'est là toute la subtilité! Quand la crise est-elle survenue? Pour les citoyens et les politiques, nous l'avons appris quand Lehman Brothers a fait faillite! Mais ça m'étonnerait que le patron ait appris le matin dans le journal que sa mauvaise gestion l'a emmené dans le mur :-). Les responsables des banques ont su à un moment que le système était en train de s'effondrer avec peut-être un an d'avance, avant le déclencheur (chute de LM), et ils ont organisé une gigantesque pyramide de Ponzi en titrisant les pertes à venir. Jusqu'au moment où le domino mondial s'écroule.
    En fait, je ne crois pas aux gens qui vont vous prédire la date de la prochaine crise mondiale. Mais je pense que l'on peut dire sans se tromper, que ce type de crises va se reproduire à une fréquence plus élevée, du fait de notre vision tronquée de l'économie qui ne tient pas compte de notre capital de ressources naturelles qui s'épuisent. A moins que, si l'on se met à rêver, les législateurs mettent fin à cette financiarisation stupide pour le salut de la vie sur terre?

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