jeudi 31 août 2017

Une question d'humidité et de précipitations (sans se précipiter...)

Tous mes lecteurs habituels (une trentaine si j'en crois mes statistiques) doivent maintenant connaître le dénommé Tsih qui a un temps fait illusion ici avec des commentaires plutôt pertinents dans l'ensemble, mais qui finalement est parti la queue entre les jambes se cacher dans son trou avec ses congénères (qu'il peut dominer de son incomparable stature de physicien auto-proclamé) parce qu'il ne pouvait ni accepter ni réfuter convenablement mon point de vue sur l'utilité relative des énergies fossiles.

Le voici qui fait étalage de sa grande (in)compétence dans le fil-info-de-sceptiques du trou que j'ai évoqué :
  • 3236.  tsih | 30/08/2017 @ 8:00 Bernnard (#3235), Du mois d’août jusqu’en décembre les ouragans sont la règle dans cette région de l’Atlantique et de la mer des Caraïbes depuis la nuit des temps. Les navigateurs à voile savent très bien qu’il vaut mieux éviter la traversée de l’Atlantique par la route des alizés en cette saison s’ils ne veulent pas risquer de se faire hacher menus par un tel phénomène de la nature. Les rapports du GIEC eux-mêmes reconnaissent qu’il n’y a aucun effet aggravant avéré et démontré jusqu’ici du réchauffement climatique sur la fréquence et l’intensité de ces phénomènes. En fait leur fréquence a même plutôt diminué depuis 10 ans mais ce n’est probablement qu’une fluctuation statistique. Mais les benêts réchauffistes ne peuvent s’empêcher de vouloir faire le lien et de se livrer à des spéculations imbéciles. L’argument le plus débile avancé étant: température plus élevée => humidité plus élevée => plus grand volume de précipitation. Ceci n’est même pas correct scientifiquement pour la dernière implication qui confond flux et stock. L’humidité peut parfaitement augmenter sans augmentation des précipitations ! L’autre argument tout aussi débile c’est: il y a plus d’énergie thermique disponible avec une température plus élevée pour alimenter l’ouragan. Le « ennui » avec ça c’est que ce qui compte pour la machine thermique que constitue l’ouragan et la force du vent ce n’est pas du tout les températures mais les gradients ou les différences de températures, Carnot oblige. Or rien n’indique que ces derniers ou dernières augmentent. Au contraire la différence de température entre hautes latitudes et basse latitudes s’atténue avec le réchauffement plus important en Arctique qu’en zone tropicale. Avec ceci on s’attendrait plutôt à une diminution de l’intensité des phénomènes météorologiques comme les ouragans ou les dépressions. Là encore l’argument ne tient donc pas du tout. Tout au plus pourrait-il expliquer le « blocage du temps qu’il fait » et qu’on observe semble-t-il. Harvey justement s’est bloqué sur le Texas pendant un temps au lieu de poursuivre régulièrement sa route habituelle vers le Nord, mais il y a probablement eu des ouragans à trajectoire capricieuse avant le réchauffement actuel.
On peut supposer que je fais partie des "benêts réchauffistes" au même titre que tous ceux qui acceptent la science ; par conséquent sont aussi des benêts réchauffistes des personnalités comme Michael Mann, James Hansen, Kevin Trenberth, Jean Jouzel, Jean Passe et des meilleurs ; en fait cela me rassure de savoir que je suis mis dans le même lot que tous ces gens, et je constate que 97% des scientifiques sont en réalité des benêts réchauffistes, honnêtement je préfère cela plutôt que d'être fourré dans les 3% restants qui mêlent un peu de tout, depuis les créationnistes jusqu'aux conspirationnistes en passant par les vendus aux industries fossiles et les idéologues du libéralisme et du marché libre et non faussé à tout crin.

Evidemment Tsih ne se trouve pas "débile" quand il nous dit que « L’argument le plus débile avancé étant: température plus élevée => humidité plus élevée => plus grand volume de précipitation. »

On peut penser que, comme BenHague, il a lu l'article de Science of Doom intitulé Impacts – XIII – Rainfall 3 dans lequel l'auteur nous dit dans sa conclusion :
  • Increasing the surface temperature by 1ºC is expected to increase the humidity over the ocean by about 7%. This is simply the basic physics of saturation. However, climate models predict an increase in mean rainfall of maybe 2-3% per ºC. The fundamental reason is that the movement of latent heat from the surface to the atmosphere has to be radiated away by the atmosphere, and so the constraint is the ability of the atmosphere to do this. And so the limiting factor in increasing rainfall is not the humidity increase, it is the radiative cooling of the atmosphere. We also see that despite 50 years of warming, mean rainfall hasn’t changed. Models also predict this. This is believed to be a transient state, for reasons explained in the article.
    • L'augmentation de la température de la surface de 1 ° C devrait augmenter l'humidité sur l'océan d'environ 7%. C'est simplement la physique de base de la saturation. Cependant, les modèles climatiques prédisent une augmentation des précipitations moyennes de peut-être 2-3% par ºC. La raison fondamentale est que le mouvement de la chaleur latente de la surface vers l'atmosphère doit être rayonnée par l'atmosphère, et la contrainte est donc la capacité de l'atmosphère à le faire. Et donc, le facteur limitant de l'augmentation des précipitations n'est pas l'augmentation de l'humidité, c'est le refroidissement radiatif de l'atmosphère. Nous voyons également que, malgré 50 ans de réchauffement, les précipitations moyennes n'ont pas changé. Les modèles prévoient également cela. Ceci est considéré comme un état transitoire, pour les raisons expliquées dans l'article.
Il est assez remarquable déjà de constater que ce sont des modèles climatiques qui  "prédisent une augmentation des précipitations moyennes de peut-être 2-3% par ºC" quand on sait que l'ami Tsih est un farouche détracteur desdits modèles climatiques ! Mais quand cela l'arrange il sait apparemment leur trouver quelques vertus...

Evidemment il n'est pas question pour moi de mettre en doute ce qui est écrit dans Science of Doom, je ferai simplement remarquer qu'il s'agit d'un blog et non d'une publication scientifique revue par les pairs.

Et si j'étais méchant je dirais que ce qui est écrit n'est même pas faux (not even wrong comme ils disent) puisque c'est ce que l'on peut voir par ailleurs.

Un de mes commentateurs me fournit à ce propos des informations intéressantes que je verse au dossier illico :

Twitter n'est pas vraiment le meilleur outil pour faire passer un message mais on fait avec ce qu'on a, donc voici ce que cela donne en écrémant le superflu :
  • Since some people are talking about climate change and moisture, thought I’d do a small little tweetstorm. Feel free to share: shows us an equation taking us back to year 1834 providing starting point for any such discussion Basically, this states that es, or the saturation vapor pressure (basically, maximum H2O amount) increases quasi-exponentially with T. This gives ~7% per degree warming more moisture holding capacity. For 3 C warming, that’s over 20% more moisture in air. There’s some nuance, bc dynamical air motions keep most of Earth’s air below its max H2O holding capacity. Hot deserts are still dry! It turns out, however, this sub-saturation (or relative humidity) doesn’t change much, far less than es. So actual humidity change still scales pretty near exponentially w Temp. This is basis for water vapor feedback to global warming, for example. Some tie this to increased evaporation, but that doesn’t follow. Evap could decrease in future but warmer atmos would still be moister. To get more complex, you might expect precip to go up like moisture content. But no! Precip balances evaporation globally. Global P is energetically not moisture limited. Limited by ability of troposphere to radiate away the latent heat released from precip. So it turns out global mean precip only changes slightly (2-3% per K), not a big deal, tho with larger regional changes. But when we go to *extreme* precip events, things actually become simpler! Here we deal w water-saturated air masses, where es matters. So if you go to, e.g, the 99th percentile precip events, those increase more like the H2O holding capacity of ~7%/K. So if large regions (subtropics) get less precip in future,is because the light precip events win out over the increasing heavy events. There is rich history in clim sci prediction from Tyndall, Arrhenius, Callendar, Manabe&Wetherald,etc., but one forgotten aspect is prediction of increased extreme precip events, going back to at least 1989 by Noda and Tokioka This, like stratosphere cooling or Arctic amplification, has emerged observationally In future, you could expect less drizzle and more downpours, something predicted almost 30 yrs ago.
    • Puisque certaines personnes parlent du changement climatique et de l'humidité, je pensais que je ferais une petite tweetstorm. N'hésitez pas à partager: @DrKateMarvel nous montre une équation qui nous ramène à l'année 1834, fournissant un point de départ pour une telle discussion http://bit.ly/2wKKwZe pic.twitter.com/WzJjO3XsFv  En gros, ceci indique que es, ou la pression de vapeur saturante (essentiellement, la quantité maximale de H2O) augmente de façon quasi exponentielle avec T. Cela donne ~ 7% par degré de réchauffement de la capacité de maintien de l'humidité. Pour un réchauffement de 3°C, il y a plus de 20% d'humidité dans l'air. Il y a quelques nuances, car les mouvements d'air dynamiques maintiennent la plus grande partie de l'air de la Terre au-dessous de sa capacité maximale de teneur en H2O. Les déserts chauds sont malgré cela secs! Il s'avère cependant que cette sous-saturation (ou humidité relative) ne change pas beaucoup, beaucoup moins que es. Donc, le changement d'humidité réelle augmente encore assez rapidement de manière exponentielle avec la Temp. Ceci est la base de l'effet de rétroaction de la vapeur d'eau au réchauffement climatique, par exemple. Certains lient ceci à une évaporation accrue, mais cela ne correspond pas. L'évaporation pourrait diminuer à l'avenir, mais l'atmosphère plus chaude serait encore plus humide. Pour être plus complexe, vous pourriez vous attendre à ce que les précipitations augmentent avec le taux d'humidité. Mais non! Les précipitations équilibrent l'évaporation globalement. Les précipitations globales ne sont pas énergiquement limitées par l'humidité. Limitées par la capacité de la troposphère à éloigner la chaleur latente dégagée des précipitations. Il s'avère que les précipitations moyennes globales ne changent que légèrement (2-3% par K), ce n'est pas grand chose, bien qu'avec des changements régionaux plus importants. Mais lorsque nous passons à des précipitations * extremes *, les choses deviennent en fait plus simples! Nous avons affaire ici à des masses d'air saturées d'eau, où c'est es qui importe. Donc, si vous allez, par exemple, vers les 99àme percentile des événements de précipitations, ceux-ci augmentent davantage que la capacité de retenue H2O de ~ 7% / K. Donc, si les grandes régions (subtropicales) ont moins de précipitations dans l'avenir, c'est parce que les événements de précipitations légères l'emportent sur les événements lourds croissants. Il y a une histoire riche en prévision de science climatique de Tyndall, Arrhenius, Callendar, Manabe & Wetherald, etc., mais un aspect oublié est la prédiction de l'augmentation des événements de précipitations extrêmes, remontant au moins en 1989 par Noda et Tokioka https://www.jstage.Jst.go.jp/article/jmsj1965/67/6/67_6_1057/_pdf ... Ceci, comme le refroidissement de la stratosphère ou l'amplification de l'Arctique, est apparu de manière observationnelle http://bit.ly/2wjfl68 http://bit.ly/2wjDZ6H À l'avenir , vous pouvez vous attendre à moins de bruines et plus de déluges, quelque chose qui a été prédit il y a près de 30 ans.
J'ai fait de mon mieux pour la traduction en français, je me suis relu plusieurs fois mais si vous repérez une c..., bêtise, ne vous privez pas de me le faire savoir.

Je dois avouer que mes connaissances scientifiques très limitées m'empêchent de bien comprendre les détails des explications, cependant il me semble avoir saisi les généralités, à savoir que les événements "extrêmes" sont différents des événements "normaux" ; dans ces derniers les précipitations additionnelles sont faibles comparées au surcroit d'humidité dû au réchauffement climatique, alors que dans les premiers ce n'est pas du tout le cas ! Et comme le dit l'auteur du tweet, Chris Colose, dans le futur les précipitations "légères" seront encore plus "légères" alors que les précipitations "extrêmes" seront encore plus "extrêmes"... (dites-moi si j'ai compris de travers)

Dans le tweet sont incluses deux études :
De la deuxième étude j'ai tiré cet ensemble de graphiques :

Fig. 12. Variation in the estimated sensitivity of annual maximum precipitation to a 1 K increase in global mean temperature by latitude. (top) The number of stations within each ±5° latitude band. (middle) The fraction of stations exhibiting significant positive association, with light blue shading indicating the upper 97.5% confidence bound and dark blue shading indicating the median of the confidence interval. (bottom) Sensitivity (%) of annual maximum precipitation per kelvin warming of global near-surface temperature, with light blue shading indicating the upper 97.5% confidence bound.

Le graphique du bas montre bien que la sensibilité des précipitations à l'augmentation d'un degré de la température est assez variable, pouvant aller de 0% (et même moins que 0%...) jusqu'à une quinzaine de % ; nous sommes loin du 7% (ou des 2 à 3%) par degré d'augmentation !

On retiendra la conclusion de l'étude :
  • Finally, we emphasize that caution is required in interpreting our finding of a median rate of change of annual maximum daily precipitation of 7% K−1 global mean near-surface temperature. This rate is similar to that implied by the Clausius–Clapeyron relationship, which would suggest that precipitation extremes are increasing in accord with the increase in atmospheric moisture. However, our results show distinct meridional variations, highlighting that other factors such as changes in atmospheric circulation may also be important in explaining the observed changes. Furthermore, as highlighted in the introduction, these results only apply to daily time scale precipitation extremes and cannot necessarily be applied to shorter-duration time scales.
    • Enfin, nous soulignons que la prudence est nécessaire pour interpréter notre constatation d'un taux médian de changement de la précipitation quotidienne maximale annuelle de 7% par degré K d'augmentation de la température moyenne de surface. Ce taux est similaire à celui impliqué par la relation Clausius-Clapeyron, ce qui suggère que les précipitations extrêmes augmentent en fonction de l'augmentation de l'humidité atmosphérique. Cependant, nos résultats montrent des variations méridionales distinctes, en soulignant que d'autres facteurs tels que les changements de la circulation atmosphérique peuvent également être importants pour expliquer les changements observés. En outre, comme cela a été souligné dans l'introduction, ces résultats ne s'appliquent qu'aux précipitations à l'échelle du temps quotidien et ne peuvent pas nécessairement être appliqués à des échelles de temps de durée plus courte.    


Que disait Tsih déjà depuis son petit trou ? Ah oui :
  • L’argument le plus débile avancé étant: température plus élevée => humidité plus élevée => plus grand volume de précipitation

Et Harvey n'a effectivement pas "bénéficié" des températures élevées du golfe du Mexique, après tout il ne sera tombé "que" cent vingt centimètres de pluie, une simple petite averse pour nos climatosceptiques patentés.

Et au passage, j'avais prédit le 28 août un coût entre 35 et 40 milliards de dollars, je n'étais pas loin du compte, se sera probablement davantage selon l'Agence France-Presse :
  • Les coûts des dégâts provoqués par la tempête Harvey, qui a frappé le Texas et menace la Louisiane, pourraient compter parmi les 5 plus élevés jamais enregistrés aux États-Unis, et atteindre 42 milliards de dollars, selon des modélisations.

C'est quand même fou le nombre de benêts réchauffistes que l'on peut rencontrer dans la nature, vous ne croyez pas ?


Enfin pour l'autre affirmation de notre grand savant Tsih...
  • la différence de température entre hautes latitudes et basse latitudes s’atténue avec le réchauffement plus important en Arctique qu’en zone tropicale
...censée supposer que les cyclones devraient par conséquent être moins violents, je n'ai trouvé, dans la définition d'un cyclone, aucune référence à un quelconque gradient de température entre "hautes latitudes" et 'basses latitudes" ; j'ai comme l'impression que Tsih a confondu latitude et altitude...

Si quelqu'un a un commentaire constructif à faire sur ce sujet, je suis preneur comme d'habitude, cependant j'ignorerai superbement toutes les considérations trollesques  dont je commence à me lasser depuis quelque temps.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire