mardi 19 septembre 2017

La limite de 1,5° serait donc (peut-être) envisageable...?

Une étude vient de paraître estimant qu'il serait possible que la hausse des températures depuis l'ère pré-industrielle se limite à 1,5° à l'horizon 2100, conformément aux souhaits de la COP21 ; le titre est Emission budgets and pathways consistent with limiting warming to 1.5°C  (Les budgets d'émission et les chemins pour y arriver compatibles avec la limitation du réchauffement à 1,5°C) et en voici le résumé :
  • The Paris Agreement has opened debate on whether limiting warming to 1.5°C is compatible with current emission pledges and warming of about 0.9°C from the mid-nineteenth century to the present decade. We show that limiting cumulative post-2015 CO2 emissions to about 200GtC would limit post-2015 warming to less than 0.6°C in 66% of Earth system model members of the CMIP5 ensemble with no mitigation of other climate drivers, increasing to 240GtC with ambitious non-CO2 mitigation. We combine a simple climate–carbon-cycle model with estimated ranges for key climate system properties from the IPCC Fifth Assessment Report. Assuming emissions peak and decline to below current levels by 2030, and continue thereafter on a much steeper decline, which would be historically unprecedented but consistent with a standard ambitious mitigation scenario (RCP2.6), results in a likely range of peak warming of 1.2–2.0°C above the mid-nineteenth century. If CO2 emissions are continuously adjusted over time to limit 2100 warming to 1.5°C, with ambitious non-CO2 mitigation, net future cumulative CO2 emissions are unlikely to prove less than 250GtC and unlikely greater than 540GtC. Hence, limiting warming to 1.5°C is not yet a geophysical impossibility, but is likely to require delivery on strengthened pledges for 2030 followed by challengingly deep and rapid mitigation. Strengthening near-term emissions reductions would hedge against a high climate response or subsequent reduction rates proving economically, technically or politically unfeasible.
    • L'accord de Paris a ouvert un débat sur le fait que la limitation du réchauffement à 1,5 ° C soit compatible avec les promesses d'émissions actuelles et le réchauffement d'environ 0,9 ° C du milieu du XIXe siècle à la décennie actuelle. Nous montrons que la limitation des émissions cumulatives de CO2 après 2015 à environ 200 GtC restreindrait le réchauffement post-2015 à moins de 0,6 ° C dans 66% des membres du modèle de système terrestre de l'ensemble CMIP5 sans atténuer les autres facteurs climatiques, atteignant 240 GtC avec une atténuation ambitieuse sans CO2. Nous combinons un modèle simple de cycle climat-carbone avec des fourchettes estimées pour les propriétés clés du système climatique du cinquième rapport d'évaluation du GIEC. En supposant que les émissions atteignent un sommet et se réduisent à des niveaux inférieurs aux niveaux actuels d'ici 2030, et continuent par la suite à diminuer beaucoup plus fortement, ce qui serait historiquement sans précédent, mais compatible avec un scénario d'atténuation ambitieux standard (RCP2.6), on aboutirait à une gamme probable de réchauffement maximal de 1,2 -2,0°C au-dessus du milieu du XIXe siècle. Si les émissions de CO2 sont continuellement ajustées au fil du temps pour limiter le réchauffement de 2100 à 1,5 ° C, avec des mesures d'atténuation ambitieuses sans CO2, il est peu probable que les émissions cumulatives futures de CO2 se révèlent inférieures à 250 GtC et probablement supérieures à 540 GtC. Par conséquent, limiter le réchauffement à 1,5°C n'est pas encore une impossibilité géophysique, mais cela est susceptible d'exiger des engagements sur des promesses renforcées pour 2030, suivi d'une atténuation difficile et rapide. Le renforcement des réductions d'émissions à court terme prémunirait contre une forte réponse au climat ou des taux de réduction subséquents qui se révèlent économiquement, techniquement ou politiquement inaccessibles.
Si je comprends correctement la fin du résumé, il serait bon d'agir tout de suite, car plus tard il serait très difficile voire impossible d'atteindre l'objectif des 1,5°.

Cette étude peut paraître optimiste ou pessimiste selon la façon dont on voit les choses ; optimiste si l'on considère le fait qu'il serait donc possible de se limiter à 1,5° ; pessimiste quand on constate que pour y arriver il faudrait faire de tels efforts que cela semble tout bonnement irréalisable.

Stefan Rahmstorf dit en substance :
  • It is very hard to see how we could still have a substantial CO2 emissions budget left for 1.5 °C, given we’re already at 1 °C, thermal inertia means we’ll catch up with some more warming even without increased radiative forcing, and any CO2 emissions reductions inevitably comes with reduced aerosol load as well, the latter reduction causing some further warming.
    • Il est très difficile de voir comment nous pourrions encore avoir un budget important d'émissions de CO2 pour 1,5°C, étant donné que nous sommes déjà à 1°C, l'inertie thermique signifie que nous allons rattraper un peu plus de réchauffement, même sans forçage radiatif augmenté, et toute réduction des émissions de CO2 entraîne inévitablement une réduction de la charge en aérosol, cette réduction entraînant un réchauffement ultérieur.
Ironiquement, donc, si nous limitons nos émissions de CO2 nous limitons également par la même occasion nos émissions d'aérosol qui ont, elles, un effet "rafraichissant" qui viendrait alors à faire défaut ; je comprends quand même que le solde serait tout de même négatif, parce qu'autrement autant balancer dans l'atmosphère le plus de CO2 possible !

Et Rahmstorf d'ajouter :
  • They appear to have adjusted the budget upward based on the idea that there has been less observed warming than suggested by the climate models, but that is not actually true if you do the comparison properly.
    • Ils (les auteurs de l'étude) semblent avoir ajusté le budget vers le haut en fonction de l'idée qu'il y a eu moins de réchauffement observé que suggéré par les modèles climatiques, mais ce n'est en fait pas exact si vous faites la comparaison correctement.
L'étude en question est à comparer avec cette autre étude parue le 31 juillet dernier, intitulée Less than 2°C warming by 2100 unlikely (Un réchauffement de moins de 2°C en 2100 peu probable) et dont voici le résumé :
  • The recently published Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) projections to 2100 give likely ranges of global temperature increase in four scenarios for population, economic growth and carbon use1. However, these projections are not based on a fully statistical approach. Here we use a country-specific version of Kaya’s identity to develop a statistically based probabilistic forecast of CO2 emissions and temperature change to 2100. Using data for 1960–2010, including the UN’s probabilistic population projections for all countries2, 3, 4, we develop a joint Bayesian hierarchical model for Gross Domestic Product (GDP) per capita and carbon intensity. We find that the 90% interval for cumulative CO2 emissions includes the IPCC’s two middle scenarios but not the extreme ones. The likely range of global temperature increase is 2.0–4.9°C, with median 3.2°C and a 5% (1%) chance that it will be less than 2°C (1.5°C). Population growth is not a major contributing factor. Our model is not a ‘business as usual’ scenario, but rather is based on data which already show the effect of emission mitigation policies. Achieving the goal of less than 1.5°C warming will require carbon intensity to decline much faster than in the recent past.
    • Les projections du Groupe intergouvernemental sur les changements climatiques (GIEC) récemment publiées à 2100 donnent des fourchettes probables d'augmentation de la température mondiale dans quatre scénarios pour la population, la croissance économique et l'utilisation du carbone. Cependant, ces projections ne reposent pas sur une approche entièrement statistique. Nous utilisons ici une version spécifique de l'équation de Kaya pour élaborer une prévision probabiliste statistiquement basée sur les émissions de CO2 et le changement de température à 2100. En utilisant les données pour 1960-2010, y compris les projections démographiques probabilistes de l'ONU pour tous les pays, nous développons un modèle hiérarchique bayésien conjoint pour le produit intérieur brut (PIB) par habitant et l'intensité du carbone. Nous constatons que l'intervalle de 90% pour les émissions cumulatives de CO2 comprend les deux scénarios intermédiaires du GIEC, mais pas les extrêmes. La gamme probable d'augmentation de la température à l'échelle mondiale est de 2,0-4,9 ° C, avec un taux médian de 3,2 ° C et une chance de 5% (1%) qu'elle soit inférieure à 2°C (1,5°C). La croissance de la population n'est pas un facteur important. Notre modèle n'est pas un scénario «commercial comme d'habitude», mais plutôt basé sur des données qui montrent déjà l'effet des politiques d'atténuation des émissions. Pour atteindre le but d'un réchauffement de moins de 1,5°C, l'intensité du carbone devrait diminuer beaucoup plus rapidement que dans le passé récent.
Les chances, dans cette étude, sont donc de 1% pour atteindre les 1,5° ; le moins que l'on puisse dire sur le sujet c'est qu'il n'y a pas consensus...

Je n'ai pas pu lire l'ensemble de l'étude qui est payante mais Chris Mooney nous fait partager le graphique suivant assez révélateur :


The projected global average temperature change by 2100 is 3.2 C (5.8 F), with a 90 percent chance it will fall within 2.0-4.9 C (3.6-8.8 F). (Adrian Raftery/University of Washington)


A noter, à l'attention d'un de mes commentateurs qui n'a pas très bien compris ce qu'était une queue statistique, qu'il existe une très faible probabilité pour que l'augmentation de température soit de 6 ou 7°C et des poussières, ce qui veut dire qu'il n'est pas impossible que ces valeurs soient atteintes...


Affaire à suivre.



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